On s’attendait à trouver des robes pailletées et des photos de music-hall, mais il y a des livres partout dans son petit appartement, à Pantin, en Seine-Saint-Denis. A près de 90 ans, jolie, fine et souriante, Marie-Pierre Pruvot ressemble bien plus à la professeure de lettres qu’elle a été pendant plus de quarante ans qu’à Bambi, cette danseuse de cabaret qui l’a rendue célèbre et lui a permis de vivre enfin ce qu’elle était : une femme, elle qui était née garçon à une époque où l’on ne parlait pas encore de transidentité. Une vie ordinaire, c’est le titre qu’elle a choisi pour ses Mémoires, publiés chez Denoël (246 pages, 20,90 euros). En vérité, son parcours ne ressemble à aucun autre.

Je ne serais pas arrivée là si…

… Si je n’avais pas vu, un soir, au Casino de la corniche, à Alger, le spectacle de Coccinelle. Elle chantait et dansait dans une revue, sa tournée avait un succès fou, c’était surtout la première fois que je voyais des travestis. Elle avait l’air heureuse et on l’applaudissait.

Lire aussi (1984) | Article réservé à nos abonnés Coccinelle

Depuis l’enfance, il était parfaitement clair dans mon esprit que j’étais une fille dans un corps de garçon, mais je faisais très attention à ne pas le montrer. Je jouais sans cesse un rôle. Voir soudain cette artiste m’a aidée à prendre la décision capitale qui m’a permis de vivre : assumer d’être enfin ce que j’étais.

Votre famille, jusque-là, ne s’était doutée de rien ?

En tout cas, c’était un non-dit absolu. Je suis née en novembre 1935, aux Issers, en Kabylie, où mon père était garagiste. Enfant, je mettais les robes de ma sœur aînée. Je détestais mon prénom, Jean-Pierre, je ne voulais pas être ce prénom masculin. Lorsque je jouais avec la petite voisine à la marchande ou à la maîtresse, je m’appelais d’ailleurs toujours Mme Pruvot. Mais, à 6 ans, au moment d’entrer à l’école, ma mère m’a fait jeter toutes mes robes, m’a coupé les cheveux, un déchirement. Je me suis regardée dans la glace et j’ai vu le désastre.

Il vous reste 85.17% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Partager
Exit mobile version