Jean Finez, enseignant-chercheur en sociologie au laboratoire Pacte (CNRS/université Grenoble-Alpes/Sciences Po Grenoble), est membre du réseau de recherche international sur les chemins de fer Ferinter, auteur, avec Hervé Champin et Alexandre Largier, de La SNCF à l’épreuve du XXIe siècle (Editions du Croquant, 2021).

Pourquoi et comment le réseau ferroviaire, malgré son importance économique et sociale majeure, paraît si fragile et vulnérable à des attaques comme celles de la nuit du jeudi 25 au vendredi 26 juillet ?

Jean Finez : Je dirais à l’inverse que c’est justement parce que le réseau ferroviaire fait partie des infrastructures stratégiques et occupe une place centrale dans la vie économique et sociale du pays que des personnes, qui que ce soit et quelles que soient leurs motivations, choisissent de le viser.

Ce n’est pas la première fois qu’une affaire de sabotage ferroviaire fait l’actualité en France (on ne peut évidemment s’empêcher de penser à l’affaire de Tarnac en 2008). Il existe une littérature technocritique très documentée et très facile d’accès, qui appelle à attaquer les infrastructures pour fragiliser la superstructure, c’est-à-dire le pouvoir en place.

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Le géographe et militant pour le climat Andreas Malm, qui s’est fait connaître par son livre Comment saboter un pipeline ? (La Fabrique, 2020), en est sans doute l’une des figures les plus médiatiques et aussi celui dont les thèses sont les plus étayées, quoiqu’on pense de ces pratiques. Certes, elles visent à paralyser la société capitaliste, mais ont aussi pour effet, dans le cas des chemins de fer, de rompre la continuité des circulations de train, l’un des piliers du service public ferroviaire.

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Les sociétés industrialisées, parce qu’elles sont hypertechnicisées et connectées, sont vulnérables par essence. On pourra mettre tous les moyens humains et matériels que l’on veut, même de manière exceptionnelle à l’occasion d’un événement comme les Jeux olympiques, il sera toujours difficile de s’assurer de l’intégrité de réseaux qui s’étalent sur des milliers de kilomètres, y compris dans des zones inhabitées ou faiblement peuplées : les pipelines traversent les déserts, les données Internet circulent d’un continent à l’autre par le biais de gros câbles dans les fonds marins, les réseaux ferroviaires et électriques sillonnent les campagnes, etc.

Cela semblerait-il aller dans le sens d’une responsabilité de l’ultragauche, évoquée par le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin ?

La gauche radicale n’a pas le monopole des théories ou des pratiques d’attaques des réseaux. D’ailleurs, Malm inscrit sa réflexion dans la longue « tradition » des pratiques de sabotage des pipelines dans différents contextes en Afrique et au Moyen-Orient, pour d’autres raisons que la lutte contre le réchauffement climatique.

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