Kamala Harris a accepté jeudi l’investiture des démocrates lors de la convention du parti à Chicago.
Une intronisation réussie, juge auprès de TF1info Nicole Bacharan.
Selon cette spécialiste des États-Unis, la candidate va désormais devoir fédérer autour d’elle.
Et se faire un nom auprès du grand public.

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Élection présidentielle américaine

Kamala Harris débute officiellement sa course à la Maison Blanche. La convention démocrate qui se tenait depuis quatre jours à Chicago s’est achevée jeudi 22 août par le discours de la vice-présidente sortante qui, après le retrait de Joe Biden, a pris les rênes du parti pour tenter de battre Donald Trump en novembre prochain. Un défi de taille, mais qui débute sous les meilleurs auspices, comme nous l’explique Nicole Bacharan, politologue et spécialiste des États-Unis. 

Kamala Harris a-t-elle réussi son entrée en campagne avec cette convention ?

Nicole Bacharan : L’exercice est convenu durant ces conventions : fêter le candidat en disant qu’il est formidable. Mais vu les circonstances extraordinaires dans lesquelles Kamala Harris se retrouve candidate, c’était vraiment réussi. Elle a imposé sa stature et trouvé le positionnement pour ne pas juste dire « je suis une femme de couleur, raison pour laquelle il faut m’élire », mais qu’elle peut devenir la présidente de tous les Américains. Il y avait d’ailleurs un symbole dans son choix de tailleur : un costume sombre, pour contraster avec le blanc incarnant les suffragettes et le droit des femmes. 

En outre, elle a réussi – et ce n’était pas gagné – à réunir autour d’elle le parti et toutes ses tendances. Certes, car ils savent qu’elle incarne leur unique chance, mais aussi car elle a montré un charisme que beaucoup ne soupçonnaient pas. Elle a suscité un enthousiasme sur sa candidature, même à la gauche du parti, avec des figures comme Bernie Sanders ou Alexandria Ocasio-Cortez. Je ne dis pas qu’elle a gagné l’élection. Mais c’était réussi.

Une bonne partie de son défi consiste à se faire connaitre

Nicole Bacharan

Kamala Harris a proposé aux Américains une « nouvelle voie », notamment en mettant en avant son histoire personnelle, celle d’une fille d’immigrés qui a cru au rêve américain.

C’est un peu le même récit qu’on avait entendu avec Barack et Michelle Obama, pour montrer comment leur destin personnel s’inscrit dans ce rêve américain. Pour Kamala Harris, c’est particulièrement important car beaucoup d’électeurs ne la connaissent que très peu. Il faut qu’elle raconte cette histoire, montrer qu’elle n’est pas parachutée de l’étranger mais qu’elle est une vraie américaine avec des parents qui ont voulu ce rêve pour eux-mêmes et leurs enfants. Au fond, une bonne partie de son défi consiste à se faire connaître. Des électeurs, qui ne sont pas tous des passionnés de politique, doivent la découvrir et l’identifier comme une authentique américaine capable de tous les représenter.

Pour tenter d’y parvenir, il faudra attendre le débat contre Donald Trump. Durant les conventions, le parti adverse s’efface durant quelques jours. Mais le débat, lui, est regardé par les deux camps. Tout le monde s’attend à un match incroyable. C’est le moment où elle aura le plus de chance d’atteindre un maximum de monde.

La convention a mis en avant la jeunesse des militants démocrates et des cadres du parti. Était-ce une volonté de prendre ses distances avec Joe Biden ? 

Oui, mais seulement pour mettre en lumière le changement de génération. Il y a quelques décennies, dans un discours de Kennedy, c’était « l’Amérique passe le flambeau à une nouvelle génération ». Là, c’était très net : Joe Biden a ouvert la convention, en mettant en avant son bilan mais en passant ce flambeau. Bill Clinton a aussi été très clair, évoquant son âge. 

C’est sur ce point que s’est inscrit la volonté de tourner la page Biden. Non pour changer de politique, mais pour aller vers une nouvelle génération. C’est d’ailleurs un argument contre Donald Trump.

Concernant Donald Trump, Kamala Harris a-t-elle profité de son discours pour montrer qu’elle avait elle aussi une personnalité forte et un caractère bien trempé ?

C’était très clair. Un certain nombre de républicains, présents à la convention, se sont ralliés à elle autour du thème : « l’important, ce sont les valeurs ». Elle a mis en avant son passé de procureur, utilisant le slogan : « Kamala Harris for the people », en référence à cette phrase prononcée par un procureur au début d’une audience. Kamala Harris veut représenter l’intérêt de la société, la population. Son passé de procureur va jouer très lourd en ce sens.

La candidate démocrate a-t-elle dévoilé ses thèmes de prédilection durant la campagne ? L’économie du pays étant dans une meilleure santé qu’en 2020, les sujets sociétaux comme l’avortement vont-ils s’imposer ?

Elle a mis en avant la défense de la liberté et la démocratie. Mais il y a évidemment la question du droit à l’avortement : les femmes vivent avec, quelle que soit leur obédience politique. Deux tiers d’entre elles sont favorables à sa défense. L’accès aux soins de fertilité sera également un vrai sujet. Son colistier Tim Walz a d’ailleurs évoqué les problèmes rencontrés au sein de son couple. Or le camp Trump souhaite, lui, le remettre en cause.

Néanmoins, le nerf de la guerre sera le pouvoir d’achat. Kamala Harris a reconnu la difficulté des classes moyennes, concédant que la politique de Biden marchait, mais pas suffisamment. Beaucoup de gens modestes vous le disent : on vivait mieux sous Trump. Et c’est vrai. Avant la pandémie, les baisses d’impôts dopaient l’économie, les salaires montaient un peu plus et l’inflation était plus basse. Elle doit empoigner à bras-le-corps cette problématique. 


Thomas GUIEN

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