Histoire d’une notion. « Dans nos sociétés, l’oppression des enfants a un caractère systémique, et cette oppression porte un nom : l’adultisme », affirme le chercheur et éducateur canadien Adam F. C. Fletcher, auteur de Facing adultism (« faire face à l’adultisme », CommonAction Publishing, 2015, non traduit). « Il y a un système d’oppression et de domination : c’est ce qu’on appelle l’adultisme et il touche toute la population », assurait l’activiste française Claire Bourdille le 16 novembre 2024, à l’occasion d’un rassemblement parisien contre les violences faites aux enfants et aux adolescents. Les violences psychologiques, physiques et sexuelles commises dans l’établissement privé catholique Notre-Dame de Bétharram et passées sous silence pendant cinquante ans, malgré les alertes, semblent confirmer leur diagnostic.
Le terme « adultisme » apparaît dans les années 1840, explique Adam F. C. Fletcher, mais à l’époque, il désigne, dans la littérature anglophone, les animaux parvenus très rapidement à maturité. Au début du XXe siècle, le mot glisse peu à peu vers le champ humain et s’applique aux enfants pauvres et aux enfants des rues qui, malgré leur jeune âge, s’habillent et agissent comme les adultes. En 1933, le psychiatre français Paul Courbon emploie, lui aussi, ce terme pour décrire des enfants placés en institution pour des actes de vol ou de prostitution qui affichent un « esprit et une personnalité d’adulte ».
Dans le même mouvement, une nouvelle signification s’impose. Dès 1903, le spécialiste américain de l’éducation Patterson DuBois parle d’adultisme pour désigner la « soif d’autorité » dont certains enseignants font preuve « en s’interposant indûment pour faire prévaloir leur point de vue d’adulte ». Mais c’est le psychologue américain Jack Flasher qui consacre le terme dans son acception actuelle : en 1978, dans un article intitulé « Adultism », il définit ce concept comme le pouvoir, fondé sur la croyance en une infériorité naturelle des enfants, « que les adultes ont sur les enfants ». Une posture qui se traduit, selon lui, par un contrôle excessif des plus jeunes.
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