La nostalgie a un prix, aux Etats-Unis plus qu’ailleurs. Pour la chaîne de restauration Cracker Barrel, il s’élève désormais à quelques centaines de millions de dollars, qui se sont envolés depuis l’échec, le 27 août, de la refonte de son logo et du décor de ses 660 établissements à travers le pays. Le mois de septembre ressemble à une longue descente aux enfers pour l’enseigne emblématique des bords de route du sud des Etats-Unis et du Midwest : en un mois, la valorisation boursière s’est effondrée de quelque 350 millions de dollars (environ 300 millions d’euros). Et le plan de réorganisation, chiffré à 600 millions de dollars et dont une partie était déjà engagée, a été abandonné. La société a dévoilé fin septembre des prévisions décevantes : elle anticipe une baisse de fréquentation, ainsi que la fermeture de 14 restaurants de l’une de ses filiales.
La chute de Cracker Barrel pourrait n’être qu’une simple histoire d’erreur marketing. Mais elle dit quelque chose du moment conservateur que traverse l’Amérique. La direction de la chaîne de restauration n’avait pas prévu de se mêler de la guerre culturelle qui sévit outre-Atlantique, mais elle a été jetée à son corps défendant dans l’arène.
Pour comprendre ce que représente Cracker Barrel Old Country Store, il faut avoir pénétré dans l’un de ses restaurants au décor suranné, avec des fauteuils à bascule sous le porche, de la country en fond sonore, une cuisine d’inspiration sudiste (ragoût de poulet, pains de viande…) et une boutique de souvenirs. Le premier restaurant a été fondé en 1969 dans le Tennessee, et l’ambiance sépia a rapidement séduit dans les autres Etats. Pas la peine de chercher une de ces enseignes dans les rues guindées de New York ou de San Francisco, elles sont généralement situées sur des sorties d’autoroute et fréquentées aussi bien par des familles du coin que par des voyageurs.
Redevenir des « gagnants »
Le logo, dessiné à la fin des années 1970, résume l’esprit : on y voit un vieil homme, « Oncle Herschel », accoudé à un tonneau (le barrel) de biscuits (les crackers). Le mot cracker est ambigu : il désigne également en argot sudiste un homme blanc et pauvre.
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