Trois événements récents ont suscité, à juste titre, interrogations et indignations : la très violente agression de Samara, 13 ans, à Montpellier, le 2 avril ; l’agression mortelle à Viry-Châtillon (Essonne), le 4 avril, de Shemseddine, un adolescent de 15 ans ; l’attaque de deux Algériens poignardés au couteau à Bordeaux, le 10 avril – faisant un mort et un blessé –, par un réfugié afghan parce qu’ils buvaient de l’alcool le soir de l’Aïd.

Quel rapport entre ces trois situations ? A priori pas grand-chose, si ce n’est l’utilisation de la force brutale pour détruire quelqu’un. Il existe pourtant un point commun qui lie et relie ces trois drames. Dans chacun de ces cas, les agresseurs ont jugé que leurs victimes avaient commis un écart injustifiable à la norme légitime du groupe.

Des responsables politiques et religieux n’ont pas manqué de relancer les habituelles polémiques sur le fait de savoir si, à Montpellier et à Viry-Châtillon, il y avait quelque motif religieux à cette haine. Le premier ministre, Gabriel Attal, a promis une « contre-attaque » de la République face à la violence des mineurs. Il faut, nous dit-il, « prendre le mal à la racine ». Sans plus de précision. Mais une chose paraît, pour lui, acquise : le remède, lorsqu’un jeune « tombe » dans la délinquance, c’est de l’envoyer en internat. Est-ce bien suffisant ? Ces mesures constituent-elles une politique publique à long terme ?

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A Bordeaux, le motif religieux est au fondement du meurtre. A Montpellier et à Viry-Châtillon, l’acte religieux prête à de multiples disputes. On ne peut réduire la pratique religieuse à un cri, celui d’« Allahou akbar ». L’islam ne signe pas son « authenticité », sa visibilité et sa force d’imprégnation seulement par des hurlements de haine. Pour paraphraser le sociologue Max Weber, dans cette corrélation entre éthique islamique (qui n’est pas l’islamisme politique) et « esprit communautaire », les idées religieuses et leur influence sur les pratiques quotidiennes et les hiérarchies sociales et sexuelles ne font aucun doute.

« Commun totalitaire »

Mais en réalité, ce qui est apparu inadmissible pour les justiciers, novices ou confirmés, c’est l’existence, dans la « communauté », de traîtres et de renégats. Le traître est celui qui a trompé la confiance. Le renégat est celui qui a abjuré un code social dominant, tissé sur une trame de morale religieuse. A Montpellier, à Viry-Châtillon et à Bordeaux, ceux et celle qui ont « fauté » ont commis l’irréparable. Ils ont trahi et ils ont renié ce qui était considéré comme sacré : l’attachement ostentatoire à la communauté (l’umma, le groupe des croyants). Le traître renégat enfreint un tabou. Il ne se contente pas de se mettre à l’écart du groupe : il refuse de prendre part à la production et à la reproduction d’une sorte de « commun totalitaire », mettant ainsi à mal la transmission d’un ordre singulier du monde.

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