On peut être riche, puissant et ignorant – il est plus rare de le reconnaître. Steve Witkoff, l’envoyé spécial du président des Etats-Unis, entre dans cette catégorie : personne ne conteste le talent de ce natif du Bronx pour conclure des méga-deals immobiliers, mais, en diplomatie, c’est un néophyte. Chargé par Donald Trump d’éteindre trois des plus graves crises de la planète, il n’a pas eu le temps d’approfondir les dossiers. Il l’admet d’ailleurs avec une certaine candeur, en remerciant ses interlocuteurs européens et ukrainiens pour les éclairages qu’ils lui apportent afin de corriger le récit copieusement et efficacement servi par ses longs entretiens au Kremlin ; il s’agit après tout d’un continent, d’une région, d’une histoire et d’une guerre dont ils sont plus familiers que lui. « J’écoute, j’écoute, c’est très intéressant », opine-t-il, selon un témoin de ces rencontres.

Lire l’éditorial | Ukraine : une semaine cruciale

Ce n’est pas exactement le style de son « boss », le président, moins enclin à l’humilité et qui entretient un lien assez personnel avec l’histoire. Donald Trump a régulièrement accusé l’Ukraine d’avoir commencé la guerre qui la ravage. Plus récemment, il a aussi affirmé que « la Crimée restera russe », d’autant plus que c’est « Barack Hussein Obama qui en a fait cadeau à la Russie ».

Le raccourci est saisissant et mérite qu’on s’y arrête. Car cette péninsule de la mer Noire n’est pas seulement un concentré de ce qui oppose la Russie et l’Ukraine ; elle n’est pas seulement un symbole des erreurs d’analyse des Occidentaux sur la Russie post-soviétique ; elle est aussi, dans le contexte actuel, un facteur potentiel de profonde division entre les Etats-Unis et l’Europe. La reconnaissance juridique de l’annexion de la Crimée par la Russie, que propose un document américain soumis à Moscou dans le cadre d’un éventuel accord de paix, dépasse largement l’enjeu territorial : c’est tout l’édifice juridique de la sécurité européenne, construit après la deuxième guerre mondiale, qui est sacrifié. Jamais Washington n’a reconnu l’annexion des Etats baltes par Moscou en 1940.

Il vous reste 64.99% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Partager
Exit mobile version