Le 8 juillet 1825, sous une pression qui se voulait diplomatique mais qui s’avéra militaire et coercitive, le gouvernement du président d’Haïti, Jean-Pierre Boyer céda aux exigences du roi de France Charles X. Celui-ci imposa une ordonnance datée du 17 avril 1825, stipulant qu’Haïti devait verser la somme colossale de 150 millions de francs or à l’Etat français, « destinée à dédommager les anciens colons » qui avaient pourtant maintenu pendant plus de deux siècles un système colonialiste, esclavagiste et raciste ayant contribué à la richesse de la France.

Haïti se relevait d’une guerre de libération (1791-1801) épuisante et héroïque contre ce système, en réalisant en 1804 ce que l’historien Michel-Rolph Trouillot (1949-2012) qualifiait d’« impensable » pour l’époque. Depuis, Haïti avait été maintenue dans un isolement économique et politique par la France avec l’appui des puissances impériales de cette période.

Question de la « restitution »

En échange du paiement de cette indemnité, la France reconnaîtra l’indépendance de l’ancienne colonie et mettra fin à cet isolement. Cette somme exorbitante représentant environ 15 % du budget de la France et trois années de celui de la jeune nation haïtienne, constitue une forfaiture économique et sociale.

Le tout jeune Etat n’étant pas solvable, une clause, non mentionnée dans l’ordonnance, exigea que l’argent du premier versement – dû en décembre 1825, cinq mois après la signature de l’ordonnance –, soit emprunté auprès de banques françaises. C’est ce que les historiens et économistes appellent la « double dette ».

Lire aussi (2022) : Haïti : comment la France a obligé son ancienne colonie à lui verser des indemnités compensatoires

Haïti se retrouva dès lors, pris dans le cercle vicieux de la dépendance. Son économie orientée vers l’extérieur, fut assujettie à cette dette injuste. Pour l’honorer, la paysannerie haïtienne qui constituait le cœur battant de la nation, fut exploitée pendant des décennies, et la coupe de bois précieux se fit à grande échelle, aggravant le désastre écologique entamé avec le système de la plantation tandis qu’il était demandé de n’appliquer que des « taxes modérées » sur tous les produits venant de France.

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