L’Italien Mario Draghi, ancien président de la Banque centrale européenne (BCE), l’a dit sans ambages en présentant à Bruxelles, le 17 septembre, son grand plan visant à relancer l’économie européenne : avec une croissance atone et un décrochage marqué par rapport aux Etats-Unis, l’Union européenne (UE) fait face à une « lente agonie » si elle ne réagit pas. Il estime qu’un sursaut nécessiterait des investissements colossaux, 800 milliards d’euros par an, soit 5 % du PIB de l’UE.

Il faut financer non seulement la transition climatique (un peu plus de la moitié de l’enveloppe) et la défense, dans le contexte de la guerre en Ukraine, mais aussi investir massivement dans les nouvelles technologies. L’Europe a manqué le virage de l’Internet il y a un quart de siècle – les géants du secteur sont américains – et elle est en train de reproduire la même erreur avec l’intelligence artificielle. Ce manque d’investissement se traduit par un appauvrissement relatif : « Par habitant, les revenus disponibles ont progressé deux fois plus vite aux Etats-Unis que dans l’Union européenne depuis 2000 », note Mario Draghi.

Huit cents milliards d’euros : une telle somme est « sans précédent », souligne-t-il. Elle représente de deux à trois fois le plan Marshall d’après la seconde guerre mondiale. Mario Draghi estime donc qu’une impulsion doit venir des finances publiques, avec des emprunts en commun au niveau de l’UE. Néanmoins, l’essentiel n’est pas là : sur la base des précédents historiques, il suggère que 80 % des investissements nécessaires devront être financés par le secteur privé. Soit environ 650 milliards d’euros à trouver par an.

Une Europe en manque de financements

Pour cela, parmi de nombreuses autres suggestions, il propose de créer une « union des marchés de capitaux », une sorte de marché financier unique européen. Sur le papier, l’idée fait (presque) l’unanimité. Les ménages européens regorgent d’épargne – 1 390 milliards d’euros en 2022 –, nettement plus que les Américains – 840 milliards d’euros. Pourtant, cet argent génère moins d’investissements privés : environ 13 % du PIB en 2023 dans l’UE, contre 14,5 % aux Etats-Unis.

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L’une des explications de ce paradoxe – une Europe riche mais qui manque de financements – est la fragmentation du continent. Les banques demeurent pour l’essentiel nationales, de même que les fonds d’investissement. Les fonds de pension néerlandais sont séparés de ceux d’Italie, qui n’ont eux-mêmes rien à voir avec les assurances-vie françaises. Résultat, quand une start-up européenne fonctionne bien et a besoin de lever d’importants capitaux, elle se tourne souvent vers les Etats-Unis, où les fonds d’investissement sont à la tête de ressources beaucoup plus importantes. D’où l’idée de rapprocher les sources de financement des différents pays de l’UE.

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