Sous le coup d’un arrêté d’expulsion du ministre de l’intérieur depuis début juin, Bashir Biazar, soupçonné d’être un « agent d’influence » de la République islamique, a été reconduit en Iran, mercredi 3 juillet. M. Biazar se trouvait dans le centre de rétention administrative de Metz (Moselle) et a embarqué pour Téhéran mercredi matin, d’après les informations de l’Agence France-Presse (AFP) recueillies auprès de l’avocat de la personne expulsée, MRachid Lemoudaa.

Au cours d’une audience devant le tribunal administratif de Paris, mercredi 3 juillet, un représentant du ministère de l’intérieur a dépeint M. Biazar comme un « agent d’influence, un agitateur qui promeut les vues de la République d’Iran et, de manière plus inquiétante, procède au harcèlement des opposants au régime », affirmant se fonder sur des éléments des services de renseignement.

Ce représentant assure qu’il a notamment filmé des journalistes de médias iraniens d’opposition en septembre devant le consulat de Téhéran à Paris après l’incendie criminel de ce bâtiment. La diffusion de cette vidéo aurait mis en difficulté un oncle d’un de ces journalistes en Iran. Selon les autorités françaises, M. Biazar agissait « en lien » avec la Force Al-Qods, unité d’élite du corps des gardiens de la révolution islamique, une affiliation qu’il tenait secrète. « Quand on est membre d’Al-Qods, on ne le met pas sur sa carte de visite », a expliqué le représentant du ministère.

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Tensions franco-iraniennes

Pour Me Lemoudaa, son client n’a jamais constitué une « menace » en France. Bashir Biazar, qui se présentait officiellement comme un producteur de musique et que les médias d’Etat iraniens qualifiait de « figure culturelle », était suivi de près à Téhéran. Selon l’agence de presse ISNA, la présidence iranienne a affirmé que M. Biazar, « illégalement arrêté et emprisonné en France il y a quelques semaines », « a été libéré et est en route vers le pays ». Début juin, la diplomatie iranienne avait déjà promis de prendre les « mesures nécessaires » pour qu’il soit relâché. Le Haut Conseil iranien pour les droits de l’homme, proche du régime, avait dénoncé la décision « illégale » de la justice française de le placer en rétention.

La procédure contre M. Biazar, qui résidait en France avec sa femme et leurs deux enfants, avait été lancée sur fond de relations extrêmement tendues entre Paris et Téhéran. Trois Français sont encore emprisonnés en Iran, qualifiés par Paris d’« otages d’Etat ».

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A l’audience, Me Lemoudaa a de son côté contesté la légalité d’un arrêté d’expulsion reposant sur des « suppositions » et fait valoir que les propos de son client relevaient de la « liberté d’expression ». « On ne m’a jamais démontré une quelconque menace », a-t-il ajouté. L’avocat s’est également étonné que le ministère ait attendu près d’un mois pour procéder à l’expulsion alors que M. Biazar, dont le titre de séjour était valable jusqu’en 2026, avait fait savoir qu’il ne « tenait pas à rester sur le territoire français ». Tout au long de cette période, son client a été privé de liberté et a observé un « début de grève de la faim », a soutenu Me Lemoudaa, qui avait dénoncé fin juin une « procédure politique ».

De retour en Iran, M. Biazar échappera à une autre procédure déclenchée, celle-ci par des militants franco-iraniens en juin. Ils l’accusaient, dans une plainte, de « complicité (…) d’actes de torture psychologique, physique, [de] traitements cruels, inhumains et dégradants ». Leur avocate, qui souhaitait que M. Biazar soit poursuivi en France, a déploré son expulsion. « Il est incompréhensible (…) qu’aucune poursuite judiciaire n’ait été engagée », a affirmé à l’AFP Me Chirinne Ardakani. Il existe, selon elle, « de sérieux indices impliquant ce haut dignitaire iranien, ancien directeur de production dans l’audiovisuel public iranien, dans la production, l’enregistrement et la diffusion d’aveux forcés obtenus à l’évidence sous la torture ». « Rien n’est clair dans ce dossier », a-t-elle estimé.

Pendant ce temps-là, Cécile Kohler et Jacques Paris, arrêtés en mai 2022 et accusés par Téhéran d’être des espions, ainsi qu’un prénommé Olivier, dont le nom de famille n’a pas été rendu public, restent emprisonnés en Iran. Louis Arnaud, détenu depuis septembre 2022, a été libéré le mois dernier, sans contrepartie connue.

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Le Monde avec AFP

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