Les signaux inquiétants concernant l’état de la démocratie s’accumulent aux Etats-Unis. Le 15 octobre, le candidat républicain, Donald Trump, a refusé de se prononcer en faveur d’une transition pacifique du pouvoir au terme de l’élection présidentielle qui se tiendra le 5 novembre. De même, il a jugé exemplaire celle intervenue quatre ans plus tôt, jouant avec toutes les touches du complotisme pour relativiser l’assaut de ses partisans contre le Capitole, le 6 janvier 2021, qui voulaient pourtant empêcher la certification de la victoire du démocrate Joe Biden. Cette dernière outrance en date est survenue deux jours seulement après que le républicain avait agoni ses adversaires politiques, qualifiés d’« ennemi de l’intérieur », contre qui il conviendrait de dépêcher « la garde nationale », voire « l’armée ».

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Ces propos irresponsables n’ont pas suscité l’émoi national qu’ils auraient soulevé il y a quelques années encore. Ils s’inscrivent il est vrai dans une longue histoire d’anathèmes dévastateurs pour le contrat démocratique qui lie depuis près de deux siècles et demi les citoyens des Etats-Unis. En dénonçant dès la campagne présidentielle de 2016 le « trucage » du scrutin pour expliquer à peu de frais une éventuelle défaite, en se noyant ensuite pendant plus de deux mois dans la contestation dérisoire et vaine du résultat de celle de 2020, ce faux patriote a bien plus contribué à fragiliser les institutions de son pays que toutes les tentatives d’ingérences étrangères réunies.

La responsabilité de l’ex-président est écrasante, mais il a pu compter sur de puissants relais. La Cour suprême des Etats-Unis, modelée par Donald Trump pendant son mandat, a tout fait pour lui éviter de répondre de ses actes avant le 5 novembre. La chaîne conservatrice Fox News a été contrainte en 2023 de débourser près de 800 millions de dollars (environ 737 millions d’euros) pour éviter un procès en diffamation, qu’elle aurait perdu, après avoir défendu servilement la thèse d’un trucage de machines à voter colportée par Donald Trump. L’homme le plus riche des Etats-Unis, Elon Musk, met aujourd’hui sa fortune et les désinformations disséminées par son puissant réseau social, X, au service de cette détestable entreprise.

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Que dire aussi des responsables républicains qui refusent encore aujourd’hui de reconnaître publiquement la défaite de 2020 pour ne pas risquer la mise au pilori, à commencer par celui qui pourrait devenir vice-président de la première puissance mondiale, J. D. Vance, qui se vautre désormais sans vergogne dans le mensonge d’une victoire volée. Que penser également de ces responsables qui envisageaient ouvertement, il y a quelques semaines encore, de modifier à la dernière minute les règles en vigueur en matière d’attribution de grands électeurs dans l’Etat du Nebraska pour priver la candidate démocrate, Kamala Harris, d’une voix qui pourrait se révéler cruciale en cas de résultats très serrés ?

Un tel terreau explique qu’un électeur républicain acquis à Donald Trump sur quatre estime aujourd’hui qu’en cas de défaite au soir du 5 novembre, ce dernier devrait déclarer les résultats invalides et « faire tout ce qu’il faut » pour prendre ses fonctions, selon un sondage du Public Religion Research Institute publié le 16 octobre. Ce chiffre est glaçant, et dit ce qu’est devenu le parti qui se présentait naguère comme celui de la loi et de l’ordre.

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Le Monde

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