Après la défaite de Kamala Harris à l’élection présidentielle américaine, la gauche française fait son examen de conscience pour éviter de subir le même sort en 2027.
Mais celui-ci vire au règlement de compte et aux procès en « mollesse » ou manque de radicalité.

Si Emmanuel Macron en a pris acte et que l’extrême droite s’en est réjoui , la victoire de Donald Trump à la présidentielle américaine a des conséquences inattendues sur la gauche française. Depuis ce mercredi 6 novembre au matin, après l’officialisation de la victoire du candidat républicain, les alliés du Nouveau Front populaire tirent les conclusions de la défaite de Kamala Harris tout en réglant leurs comptes, les uns accusant les autres de manquer de radicalité ou de ne pas avoir la bonne lecture de l’échec de la démocrate.

Ceux qui sèment le trouble, ce sont les Insoumis. Selon eux, si Kamala Harris a échoué à se faire élire à la Maison Blanche, c’est parce qu’elle a choisi de poursuivre « la politique néolibérale de Joe Biden », parce qu’elle manquait « de plan d’ampleur contre le bouleversement climatique «  ou encore parce qu’elle a refusé « de défendre la paix et le droit international, et en particulier de dénoncer le génocide en cours à Gaza ». Aussi, « les leçons politiques de cette élection sont claires. Sans un projet de rupture reprenant les aspirations massives à la justice sociale, fiscale, à la lutte antiraciste, à la relocalisation des emplois, notamment industriels, la gauche ne peut battre l’extrême droite », écrivent les députés LFI dans un communiqué. 

« Les USA ne pouvaient pas choisir la gauche : il n’y en avait pas. Quand il n’y a plus de gauche, il n’y a pas de limite à droite. (…) la France peut ouvrir un autre chemin. Un contre modèle. Non alignement, droit international, justice sociale, planification écologique », estime également Jean-Luc Mélenchon sur X. 

Mais leur ancien allié François Ruffin a une autre lecture de la défaite de la démocrate. Selon lui, si Kamala Harris a perdu , c’est parce qu’elle a délaissé les questions économiques et abandonné les classes populaires. « Quand la gauche abandonne les travailleurs, il ne faut pas s’étonner que les travailleurs abandonnent la gauche », a dit le député de la Somme ce jeudi matin sur RTL.

« Comment pouvez-vous être à ce point à côté de la plaque ? »

Mais ceux qui n’avaient pas la lecture insoumise de la défaite de Kamala Harris se sont vus interpellés parfois franchement. Aussi, quand le député européen à la tête de Place publique, Raphaël Glucksmann , réagit sur X à la victoire de Trump en estimant que son élection « est l’un de ces moments de bascule qui façonnent l’Histoire. Nous sommes désormais, en Europe, seuls face à notre destin », le député LFI Antoine Léaument lui répond : « Comment pouvez-vous être à ce point à côté de la plaque pour ne pas voir que c’est la ligne politique que vous portez en Europe et en France qui a mené, aux USA, à la défaite de Trump ? Vraiment ça me sidère un tel manque de sens politique. »

Selon ce même député LFI, c’est aussi le manque de radicalité de cette gauche sociale-démocrate qui est un problème. « Trump a fait du Trump et Kamala Harris a fait du Hollande. (…) Il y a une inquiétude aussi en France que certains veuillent suivre cette voie à gauche, une voie molle, souple, qui à la fin amène l’extrême droite au pouvoir. On ne peut pas tolérer ça en France, donc il va falloir se réveiller », a-t-il commenté sur LCP. L’ancien président socialiste lui a répondu. « Ce n’est pas parce que Kamala Harris n’a pas été assez à gauche qu’elle a perdu. C’est parce qu’il y a une tendance aux États-Unis – et pas simplement aux États-Unis – pour des thèses nationalistes, protectionnistes », a-t-il assuré.

La réaction des Insoumis à l’élection de Trump, c’est de taper le reste de la gauche et les écologistes ! Affligeant ! Pathétique

Yannick Jadot

Alors à raison, écologistes et socialistes se sont sentis visés et ont rétorqué, parfois avec colère. Le message du sénateur écologiste Yannick Jadot n’est d’ailleurs pas passé inaperçu. « La réaction des Insoumis à l’élection de Trump, c’est de taper le reste de la gauche et les écologistes ! Affligeant ! Pathétique », a-t-il écrit sur X. « Qu’ils souhaitent le pire pour les États-Unis ne surprend pas ! Qu’ils souhaitent le pire pour la gauche et la France en prétendant remplacer le césarisme d’extrême droite par un autre césarisme est suicidaire ! », « Les Insoumis depuis ce matin expliquent que le centrisme mou sans conviction, sans projet et méprisant, bizarrement ça fait fuir les électeurs. Yannick Jadot visiblement vous vous sentez visé. Expliquez-nous donc pourquoi », a poursuivi avec provocation l’élu des Bouches-du-Rhône Sébastien Delogu (LFI). 

Le patron des socialistes Olivier Faure a estimé que le moment était à la « réaction », « à l’affirmation d’un projet pour la France et l’Union européenne » et non « aux leçons de morale ». « Face à la bascule de l’ordre international, la gauche européenne doit y revendiquer son propre chemin. Internationaliste, humaniste, démocratique, écologiste. Il n’y a de fatalité que dans la résignation. » 


Justine FAURE

Partager
Exit mobile version