Depuis le 20 janvier, l’actualité américaine est prise d’une fureur extravagante, et charrie chaque matin l’avalanche des folies de la veille. Le spectacle sidérant offert quotidiennement par la Maison Blanche a beau nous projeter chaque jour un peu plus dans une dystopie dont nul ne pouvait imaginer qu’elle pourrait survenir si vite, il n’en occulte pas moins une part importante de la profondeur du changement de régime en cours à Washington.
C’est aussi dans son rapport à la science, à la connaissance, aux lieux où se construit et se transmet le savoir que l’administration Trump donne à voir crûment ses menées totalitaires.
« Il ne peut y avoir deux maîtres : le Parti et la science. Pour que l’autorité du Parti devienne absolue, il faut que la science disparaisse (…). L’ambition de contrôler la réalité elle-même, toute réalité, est inscrite dans le projet totalitaire. C’est pourquoi les oligarques doivent briser les deux modes de pensée qui offrent un accès fiable au réel et se réfèrent à lui : la science et le sens commun », écrit le philosophe Jean-Jacques Rosat, dans un ouvrage à paraître en avril (L’Esprit du totalitarisme. George Orwell et 1984 face au XXIe siècle, Hors d’atteinte, 420 pages, 23 euros).
Vendredi 7 mars, en France, aux Etats-Unis et ailleurs, de nombreux rassemblements se sont tenus pour protester contre l’entreprise de subversion et de destruction de la science mise en œuvre par l’administration Trump. « Sciences et savoirs [sont les] cibles d’une trajectoire fasciste », selon le mot d’ordre du rassemblement parisien.
Aux Etats-Unis, dans toutes les disciplines, des milliers de scientifiques fédéraux perdent leur emploi, des agences sont purement et simplement détruites, des projets interrompus et des données confisquées, des universités perdent leurs financements, condamnant les enseignants-chercheurs précaires au chômage, les projets de recherche sont soumis à un étroit contrôle politique qui proscrit l’usage de certains termes. A Washington, le procureur fédéral adresse au doyen de l’université de Georgetown une lettre comminatoire demandant la suppression de certains enseignements.
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