Dans un nouveau rebondissement, la cour administrative d’appel de Bordeaux a jugé illégales, mercredi 18 décembre, les autorisations délivrées à quatre réserves d’irrigation dans le Poitou, dont celle de Sainte-Soline (Deux-Sèvres), car elles menacent la survie d’une espèce d’oiseau protégée, l’outarde canepetière.

Une dizaine d’associations environnementales avaient attaqué les autorisations délivrées par l’Etat pour construire et exploiter seize retenues d’eau à usage agricole dans le Marais poitevin, dénommées « bassines » par les opposants, dont celle de Sainte-Soline qui cristallise les oppositions depuis une violente manifestation autour du chantier en mars 2023.

Pour la cour, quatre des seize bassines du projet sont « de nature à détruire tout ou une partie de l’habitat » d’une espèce d’oiseaux de plaine protégée. Dans ces quatre zones, dont celle située à Sainte-Soline, « l’autorisation délivrée est illégale faute de prévoir une dérogation “espèces protégées” », a conclu la cour. Dans l’attente de « la délivrance éventuelle de cette dérogation », elle a donc suspendu les mises en chantier et les futurs remplissages en eau des quatre ouvrages. « L’eau stockée » à la date de décision dans la réserve de Sainte-Soline, la seule des quatre dont la construction est achevée, pourra néanmoins être utilisée cet été « par les agriculteurs raccordés », sans toutefois « donner lieu à un nouveau remplissage », a précisé la cour.

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« Une victoire de la biodiversité contre les mégabassines »

C’est « une victoire de la biodiversité contre les mégabassines », ont estimé les associations environnementales qui avaient attaqué les autorisations de l’Etat. Les requérants – Nature Environnement 17, la Ligue de protection des oiseaux et des fédérations de pêcheurs –, déboutés en première instance à Poitiers, reprochaient aussi au projet de réserves dites « de substitution », que l’on remplit l’hiver en pompant dans les nappes afin de pouvoir irriguer en été, de nuire à l’équilibre de la ressource en eau. La cour a rejeté ces accusations, considérant que « l’administration a conditionné le niveau de remplissage des réserves au respect de seuils pertinents fixés au regard du niveau de la nappe » et que le projet « ne méconnai[ssait] pas le principe d’une gestion équilibrée et durable de l’eau ».

Thierry Boudaud, président de la Coopérative de l’eau, groupement de 450 agriculteurs irrigants qui porte ce projet de bassines, souvent présenté comme « vital » par les exploitants face aux menaces de sécheresses à répétition liées au changement climatique, se félicite donc que cette décision vienne « confirmer les effets positifs du principe de substitution et l’intérêt du projet ». « Il n’y a aucune retenue annulée, c’est positif et important pour les agriculteurs, notamment ceux de Sainte-Soline, qui pourront travailler cet été. On va compléter ce qu’il manque sur la dérogation, ça va demander quelque mois », a-t-il réagi.

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A l’heure actuelle, sur les seize réserves de ce projet financé à 70 % par de l’argent public, une seule fonctionne, à Mauzé-sur-le-Mignon (Deux-Sèvres). Le remplissage de celle de Sainte-Soline a commencé cet hiver et deux chantiers sont en cours à Epannes et Priaires (Deux-Sèvres). Un autre est prévu à Saint-Sauvant (Vienne).

Les associations à l’origine du recours « s’interrogent » pour leur part dans un communiqué « sur l’obstination de l’Etat et de la Coopérative de l’eau à poursuivre ce projet délétère, jugé surdimensionné et attentatoire à la biodiversité par deux juridictions ». Au-delà de ce projet, elles rappellent en effet que le tribunal administratif de Poitiers avait réduit d’un quart avec exécution immédiate, au début de juillet, le volume maximal autorisé – jugé excessif – pour l’ensemble des prélèvements d’eau destinés à l’irrigation dans le Marais poitevin. L’Etat, à son tour, a fait appel dans l’un de ces nombreux litiges judiciaires liés à ces réserves.

Le Monde avec AFP

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