Lire et donner à lire : pour ces deux actes révolutionnaires, de nombreux héros se sont battus, parfois au prix de leur vie. Derrière le rideau de fer, à l’époque où le communisme prétendait libérer les peuples mais ne servait, au fond, que l’impérialisme de Moscou, c’est en Pologne que les métiers du livre, de l’édition et de la presse ont le plus défié l’autoritarisme.

Cette histoire d’espionnage et de résistance est reconstituée par Charlie English, ancien chef du service international au quotidien britannique The Guardian, dans un ouvrage haletant, Le Book Club de la CIA (Equateurs, 416 pages, 24 euros). Un titre en partie trompeur, car, si des espions américains ont joué un vrai rôle dans cette affaire, ce club de lecture était bien davantage animé par des Polonais, tous habités d’un farouche esprit de liberté, telle Helena Luczywo. Elle fut l’une des créatrices, en 1982, avec Jacek Kuron et Adam Michnik, deux autres grandes figures de l’opposition démocratique, de L’Hebdomadaire de Mazovie.

Ce journal clandestin est lancé au lendemain du 12 décembre 1981, qui représente un tournant dans l’histoire du communisme. Depuis des mois, un large mouvement social lancé par Solidarnosc secoue la Pologne. Emmené par Lech Walesa, ce syndicat emblématique, né sur les chantiers navals de Gdansk en août 1980, fait souffler un vent de liberté sur le pays. Le régime, qui a d’abord temporisé et fait mine de vouloir négocier, lance finalement ses troupes en cette triste soirée d’hiver. Helena Luczywo sort du cinéma quand elle prend conscience de ce qui se passe. Elle se précipite vers les locaux de Solidarnosc et y retrouve ses collègues. Ils voient par la fenêtre l’arrivée de la police militaire, les terribles « zomos ».

Echapper à la censure

Helena Luczywo s’apprête à fuir, mais ses collègues, pétrifiés, décident de rester sur place. Elle les supplie de partir, sans y parvenir. Elle s’engouffre par la porte arrière du bâtiment avec son époux, Witek. Ils se cachent dans l’immeuble voisin, bientôt entouré lui aussi. Profitant d’un moment d’inattention des miliciens, ils parviennent à s’enfuir dans la nuit. La liberté ne tient parfois qu’à un fil, que sait restituer Charlie English : il excelle à nous faire entrer dans l’intimité du combat des dissidents en faisant parler les témoins de l’époque, et à en redonner la portée historique.

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