Livre. « Nullipare : se dit d’une femme qui n’a pas encore donné naissance à un enfant ou d’une femelle de mammifère qui n’a pas encore eu de petit. » Dès la préface de Nullipares, et alors ? Etre sans enfants (Points, 176 pages, 8,95 euros), Chloé Delaume, qui coordonne l’ouvrage, invite à la réflexion en partageant la définition du terme issue du dictionnaire de l’Académie française. « Pas encore » : cette expression adverbiale dit beaucoup en peu de mots, souligne l’écrivaine, pour qui elle montre à quel point il est « impensable, jusque dans la langue, de ne pas du tout avoir d’enfants ».

C’est de cette « anomalie », « voire une anomalie tenant de l’inconcevable », que s’emparent dix femmes et un homme transgenre. Artistes, journalistes et autrices partent de leur cheminement personnel pour éclairer, en quelques pages, ce que revêt ce choix de la non-maternité, situé à la croisée de l’intime et du politique. Le phénomène concerne, « de tout temps, entre 10 % et 15 % des femmes françaises » à l’issue de leur vie fertile, indique l’autrice Bettina Zourli, en s’appuyant sur des études démographiques. Un rappel statistique utile, loin des discours sur un péril générationnel childfree (sans enfant par choix), et qui laisse penser que le véritable changement à l’œuvre est celui d’une parole aujourd’hui davantage assumée.

Les raisons avancées par chacune sont multiples et singulières : effroi face à l’amour absolu pour son enfant, traumatismes de famille, non-désir construit à partir d’une réflexion féministe… « Ce qui s’est rompu en moi, ce n’est pas le rejet d’enfant, c’est l’épouvante d’être inscrite dans une filiation », écrit la romancière Jane Sautière, dans un texte qui esquisse une enfance marquée par les craintes d’une mère qui avait perdu un fils et une fille. Pour celle qui se définit avec humour, à 73 ans, comme une « vieille nullipare », cette condition fut, plus qu’un « choix », une « avancée douce et irrépressible ». A la différence d’une autre contributrice, la poétesse Aurélie Olivier, qui se sentit un temps « prête pour cette folie, donner la vie », et s’engagea même dans un tel projet en couple, avant de ressentir que « donner naissance engendrerait inévitablement chez [elle] un insurmontable vertige existentiel », et de faire marche arrière.

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