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Si vous ne les connaissez pas, vous serez bien incapables de les identifier. Lors des défilés haute couture de Chanel, la maison de luxe qui leur appartient à 100 %, Alain et Gérard Wertheimer, 75 ans et 73 ans, ne s’assoient jamais au premier rang, préférant se tenir quelques mètres plus haut, là où la lumière est moins crue, loin, très loin, des objectifs et des caméras. Les habitués de la mode ne les apercevront pas non plus en coulisse, quand tous se pressent autour du créateur et de ses assistants pour les féliciter. Ils sont déjà partis, chapeaux de feutre sur la tête, fuyant discrètement, mais sûrement, le bruit et la foule. « Venir pour ne pas être vus, c’est le contraire de ce que font la plupart des gens ! », s’amuse une de leurs amies.

Ceux qui incarnent la troisième fortune française derrière Bernard Arnault et Françoise Bettencourt Meyers, et la 40e selon le classement mondial établi par le magazine économique Forbes, n’aiment pas qu’on les prenne en photo. « Même les amis triés sur le volet qui saisissent leur image avec leur portable lors d’un dîner doivent promettre de ne rien divulguer », assure l’un des rares familiers de leurs soirées à Paris ou dans les maisons que les deux frères possèdent à Deauville (Calvados), à proximité de l’hippodrome, un lieu qu’ils fréquentent davantage que les défilés.

Voir leur nom cité dans la presse les inquiète. Il a d’ailleurs fallu longuement parlementer pour qu’ils acceptent, à défaut de poser pour un photographe du Monde, d’envoyer un cliché d’eux pris le 25 juin en marge du défilé de la collection automne-hiver, au Palais Garnier, à Paris. Du duo, il n’existait que quelques images anciennes, saisies sur les champs de courses avec la reine d’Angleterre Elizabeth II, elle aussi passionnée de chevaux.

Les Wertheimer cultivent si bien la discrétion que le 20 janvier 2022, lors de l’inauguration de 19M, le somptueux espace que Chanel consacre, porte d’Aubervilliers, dans le 19e arrondissement de Paris, aux artisans ultraqualifiés – brodeurs, dentellières, soyeux – des métiers d’art et de la mode, ce n’est pas eux qui accueillirent le président de la République Emmanuel Macron et son épouse, Brigitte, afin de ne pas risquer d’apparaître à la télévision. Jamais, d’ailleurs, on ne les voit dans les dîners officiels à l’Elysée, où l’empereur du luxe, Bernard Arnault, trône, lui, comme un chef d’Etat.

Une avocate d’affaires travaillant régulièrement pour la prestigieuse maison raconte avoir un jour croisé Alain Wertheimer devant l’ascenseur, « dans son manteau sombre, un chapeau à la main, très bien élevé, mais quasi invisible ». La voyant s’apprêter à monter à ses côtés, il lui céda sa place, préférant prendre l’escalier. Elle ne comprit qu’après qu’il s’agissait du président exécutif de la prestigieuse société. Une ancienne figure de la maison Chanel se souvient aussi qu’Alain Wertheimer fut refoulé à l’entrée d’un défilé de haute couture, au cœur de Central Park, à New York, où il réside. Il avait oublié son invitation. Personne ne voulut croire que ce monsieur dont le visage et le nom ne disaient rien à quiconque était le propriétaire.

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