Une première leçon peut être tirée des soubresauts de l’affaire Jeffrey Epstein dans laquelle l’administration de Donald Trump est empêtrée depuis le 7 juillet et la publication par le département de la justice d’une courte note invalidant les thèses les plus radicales défendues par une partie de sa base. Après plus de huit ans d’institutionnalisation des « faits alternatifs » en lieu et place des faits et d’instrumentalisation opiniâtre des théories du complot – en particulier pendant la pandémie de Covid-19 ou lors de sa défaite électorale de 2020 –, le président des Etats-Unis peut mesurer les effets dévastateurs de ses expérimentations cyniques et hasardeuses.
Après avoir dénoncé pendant des mois, avec le renfort de cadres désormais en place au plus haut niveau de l’Etat fédéral, l’opacité qu’entretiendrait un « Etat profond » pour garantir l’impunité supposée de puissants, la base trumpiste s’exaspère de l’incapacité de ses dirigeants à présenter des éléments nouveaux concernant Jeffrey Epstein. Retrouvé mort en 2019 dans une cellule de la prison de New York, le financier devait alors répondre d’accusations de pédocriminalité après de premières poursuites en 2006.
Le président des Etats-Unis a beau tonner contre les rebelles qui ont contribué à son retour au pouvoir et même les insulter, il échoue à les faire rentrer dans le rang. A sa grande surprise, le complotisme résiste aux admonestations et se retourne avec la même irrationalité contre ceux qui l’ont flatté en toute impunité.

La frustration du locataire de la Maison Blanche explique sans doute pourquoi il s’irrite désormais du rappel de faits établis de longue date. Comme de très nombreuses figures en vue aux Etats-Unis au mitan des années 1990, il fut en effet proche de Jeffrey Epstein, même s’il s’en éloigna avant que ce dernier ne soit rattrapé par la justice. Le Wall Street Journal, qui avait rappelé leurs liens passés le 17 juillet, fait désormais l’objet de poursuites pour diffamation et a été empêché de suivre le déplacement du président des Etats-Unis en Ecosse. Le sort réservé au quotidien conservateur des affaires confirme, après bien d’autres, que Donald Trump ne tolère qu’une seule presse, celle de la connivence, la presse d’information étant désignée uniformément comme un ennemi.
Depuis son retour derrière le bureau Ovale, Donald Trump adopte en effet la même tactique vis-à-vis des médias que pour les autres contre-pouvoirs et tout ce qu’il perçoit comme tel : la menace et l’intimidation. Il vient ainsi de faire plier la chaîne d’information CBS, visée par des accusations jugées particulièrement légères à propos de la présentation d’un entretien de son adversaire démocrate dans la campagne présidentielle, Kamala Harris. Il a également pesé sur le Congrès pour faire aboutir une vieille revendication républicaine : la suppression du financement de l’audiovisuel public, quelles qu’en soient les conséquences pour les zones rurales isolées devenues des déserts de l’information que comptent les Etats-Unis.
« Vous êtes les médias maintenant », avait assuré, en parlant des réseaux sociaux, Elon Musk, au soir de la réélection de Donald Trump, pour laquelle il avait mis à son service l’algorithme de la plateforme X. L’affaire Epstein montre ce que peut donner la marginalisation des canaux d’information traditionnels : le brouillage et le brouillard aux dépens du débat public et de la salubrité démocratique.