Le meurtre d’une jeune femme de 18 ans mi-février, probablement tuée par erreur, a suscité une grande vague d’émotion en Corse.
Plus de 1500 personnes se sont rassemblées samedi à Ajaccio pour déplorer cette tragédie et dénoncer plus largement les violences commises par la mafia sur l’île de beauté.
La mobilisation, à l’initiative de deux collectifs, a été rejointe par plusieurs personnalités politiques, dont le préfet, une présence inédite.

« Les vivants se révoltent » : plus de 1.500 personnes ont manifesté samedi 8 mars à Ajaccio à l’appel des deux collectifs antimafia de Corse, en présence de nombreux élus et avec l’intervention saluée et inédite du préfet. Elle était organisée dans le sillage du meurtre mi-février d’une étudiante de 18 ans (nouvelle fenêtre), sans doute ciblée par erreur, qui avait déclenché une vive émotion sur l’île. La mobilisation se tient aussi dix jours après une session de l’assemblée de Corse consacrée aux dérives mafieuses. 

Derrière une banderole « Assassini, maffiosi, fora » (« Assassins, mafieux, dehors ») tenue par des jeunes gens, cette manifestation était organisée par les collectifs « Maffia no, a vita ié » (« Non à la mafia, oui à la vie ») et « Massimu Susini », du nom d’un militant nationaliste assassiné en septembre 2019 à Cargèse (Corse-du-Sud). Elle a rassemblé quelque 1.500 personnes selon la police, et plus de 3.000 selon les organisateurs. Une seconde banderole était frappée du slogan « A maffia tomba, U silenziu dino » (« La mafia tue, le silence aussi »).

Un « silence assourdissant » qui a « duré trop longtemps »

« Les vivants se révoltent et ils le font savoir ce samedi après-midi, à Ajaccio », avaient annoncé les collectifs dans un communiqué. Le cortège est parti de la gare à 14h30 pour rejoindre la préfecture. Étaient présents notamment la présidente autonomiste de l’Assemblée de Corse Marie-Antoinette Maupertuis, trois des quatre députés de l’île, le sénateur autonomiste Paul Toussaint Parigi et des politiques, de la droite aux indépendantistes de Core in Fronte, à l’exception des indépendantistes (nouvelle fenêtre) de Nazione. 

Drapeaux corses et petites pancartes brandies par les manifestants flottaient dans le cortège : « Mafieux, fossoyeurs de notre peuple », « A Maffia Fora ! » (« la mafia dehors ! »), « maffiosi traditori » (« maffieux traîtres »), « U silenziu tomba » (« le silence tue »). « Merci d’être venus si nombreux pour troubler ce silence assourdissant qui a duré trop longtemps. Nous sommes tous victimes de la mafia », a lancé au mégaphone Josette Dell’Ava-Santucci du collectif « Maffia No, a vita ié », devant la préfecture. Évoquant des « procès emblématiques à venir », elle a appelé à « soutenir la libération de la parole dans les prétoires » ainsi qu’à « accompagner les victimes pour les aider à porter plainte ».  

Puis Jean-Jérôme Mondoloni, du collectif « Massimu Susini », a assuré que « le premier pouvoir en Corse, ce n’est ni celui des élus, ni celui du préfet, c’est celui de la mafia » en égrenant son « capital criminel » : 10 élus assassinés en 20 ans, 15 chefs d’entreprises en 10 ans, un total de 192 assassinats ou tentatives en 20 ans, 80 restaurants victimes d’incendies criminels en dix ans… avant d’appeler à soutenir le renforcement de la législation. Le statut de repenti a eu « des résultats remarquables en Sicile » en faisant baisser considérablement le nombre d’assassinats, désormais bien moins nombreux qu’en Corse (nouvelle fenêtre), a-t-il notamment assuré.

« Nous pouvons triompher de la mafia », assure le préfet

Il a ensuite passé le mégaphone au préfet de région, Jérôme Filippini, événement rarissime en Corse où un préfet a été assassiné en 1998 (nouvelle fenêtre). Le responsable a reconnu que « ça n’arrive pas souvent dans la vie d’un préfet » de monter sur un camion de manifestants pour parler à la foule. « Je suis venu au nom de l’État, au nom du gouvernement, vous dire que le rassemblement populaire que vous formez aujourd’hui, il a mon soutien, notre soutien et il peut nous donner confiance », a-t-il déclaré sous les applaudissements et les remerciements. 

« Compte tenu des relations anciennes et parfois difficiles entre la Corse et la République (…), je dirai volontiers au nom de l’État tout le mal que nous avons pu faire dans le passé », a-t-il déclaré, « mais le passé c’est le passé, et on a maintenant le choix : si la Corse, sa société, ses élus et l’État, la justice, se font confiance (…), nous pouvons triompher de la mafia ». La manifestation est ensuite passée devant le bar où un jeune pompier a été tué fin décembre, avant de se terminer devant la collectivité de Corse par deux autres discours conclus sur un vibrant « A Maffia Fora ! ».


M.L. avec AFP

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