Ni le vacarme ni la poussière ne sauraient perturber ce cuisinier ambulant. L’homme en tablier rouge (les personnes qui ne sont pas nommées ont requis l’anonymat) étire sa pâte à nouille devant les ouvriers en sueur qui, casque sur la tête, se relaient à des tables de camping. Tout près, un fourgon cabossé dévoile son étal : une avalanche de friandises. « Moi, je suis là depuis que ces travailleurs font des heures supplémentaires et veulent ramener de quoi grignoter sur le chantier », raconte-t-il. Autour d’eux, un fatras de poutres d’acier. Des dizaines de bétonnières en file indienne. Un soleil éclatant et la mer pour horizon.
Le chantier naval de Heavy Hengli, sur l’île de Changxing, à 100 kilomètres de Dalian, au nord-est de la Chine, sur les bords de la mer Jaune, symbolise une renaissance économique chinoise sur des ruines sud-coréennes. En 2015, l’entreprise sud-coréenne STX, alors le 4e plus grand constructeur naval au monde, fait faillite, et son chantier naval à Dalian, inauguré six ans plus tôt, s’arrête brutalement. Ainsi, 3,5 milliards d’euros d’investissement sont abandonnés et 21 000 ouvriers licenciés.
Après plusieurs tentatives de reprise infructueuses, le gouvernement du Liaoning propose l’industriel local, qui rachète, en juillet 2022, le site pour 280 millions d’euros. Le pétrochimiste Hengli dispose déjà, sur zone, d’une raffinerie de pétrole, d’une usine géante d’acide téréphtalique, nécessaire à la fabrication de plastique recyclé, et d’une centrale à charbon. Il promet de l’emploi à foison, mais… il ne connaît rien à la navigation.
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