Le réalisateur Laurent Cantet et la Palme d’or qu’il a reçue pour son film « Entre les murs », lors de la cérémonie de clôture du 61e Festival international du film de Cannes, le 25 mai 2008.

Il appartenait à cette génération prolifique qui avait ressuscité le cinéma d’auteur français à compter des années 1990. Apparu plus tardivement que ses pairs – Eric Rochant (Un monde sans pitié, 1989), Patricia Mazuy (Peaux de vache, 1989), Xavier Beauvois (Nord, 1991), Cédric Kahn (Bar des rails, 1991), Arnaud Desplechin (La Sentinelle, 1992) ou Pascale Ferran (Petits arrangements avec les morts, 1994) – Laurent Cantet nous quitte bien plus tôt qu’eux. Le cinéaste, Palme d’or 2008 avec Entre les murs, est mort jeudi 25 avril, après une longue lutte contre la maladie qui aura fini par l’emporter, à l’âge de 63 ans.

Né en 1961 dans les Deux-Sèvres, ce fils d’instituteur était entré à l’Idhec (l’ancêtre de la Femis) en 1984, où il se lia d’amitié notamment avec Dominik Moll et Gilles Marchand. Il conservera toujours de ses origines sociales un humanisme et une tenue morale qui ne courent pas les rues du show-business. La transmission, la réflexion, l’intelligence des choses, toutes choses qui sont le fer de lance de l’école, étaient également pour lui des vertus cinématographiques. Dans le sillage des frères Dardenne, inventeurs de cette grande forme contemporaine, il avait trouvé, tardivement mais sans plus la quitter, sa manière artistique dans un subtil mélange entre préoccupation sociale et enjeu romanesque. Tous à la manif, son premier court métrage réalisé en 1994, en annonçait en quelque sorte le programme.

Deux coups d’éclat auront marqué sa carrière, forte de neuf longs métrages réalisés entre 2000 et 2021. Il s’agit de son premier long, Ressources humaines (2000), ainsi que d’Entre les murs (2008), qui lui vaut une Palme d’or qui n’avait plus échu à un film français depuis le bras d’honneur accordé aux siffleurs de Sous le soleil de Satan par Maurice Pialat en 1987.

Lire aussi l’entretien (2020) | Article réservé à nos abonnés Laurent Cantet, cinéaste : « Montrer un film à des jeunes, c’est un acte politique »

Le premier de ces films, qui révèle un remarquable acteur de 23 ans en la personne de Jalil Lespert, est une manière d’Œdipe à l’usine. Franck, étudiant d’une école de commerce, revient dans sa région natale et intègre pour un stage le service des ressources humaines de l’usine où travaille depuis trente ans son prolo de père ainsi que sa sœur. Un conflit portant sur les trente-cinq heures le transforme bientôt en héros tragique, d’une manière beaucoup plus surprenante toutefois que la situation semble l’annoncer. Parfaitement documenté, tourné avec une majorité de non professionnels, Ressources humaines marquera les esprits en faisant du monde de l’entreprise, domaine encore peu fréquenté par le cinéma de fiction, un théâtre romanesque comme les autres.

Il vous reste 61.42% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Partager
Exit mobile version