Le livre « Cuba, une histoire de l’île par sa musique et sa littérature » de Marcel Quillévére (Albin Michel/France Musique)

80 heures de programme sur la musique classique cubaine

Voilà un secret jalousement gardé que les initiés se transmettent de bouche à oreille : un podcast de 80 épisodes, 80 heures de programme en français, qui retrace l’histoire de la musique classique à Cuba. Un trésor, « Cuba, la musique et le monde », diffusé durant les étés 2016 et 2017 sur France Musique avant de connaître trois suites, destinations Rio de la Plata, le Mexique et le Brésil. « Carrefour des Amériques » est depuis disponible sur le site et l’application de Radio France.

L’émission est produite et animée par Marcel Quillévéré. Cet amoureux de l’île de la Caraïbe qui fut chanteur lyrique et directeur d’opéra lève le voile sur une histoire méconnue.

Quand on évoque Cuba, on pense souvent à la salsa (nous ne rentrerons pas dans les débats sur les origines du genre). Pourtant, la nation caribéenne entretient une relation de près de trois siècles avec la musique savante.

Une île où même les artistes populaires ont fait le conservatoire

En discutant avec les artistes de musique populaire, du jazz à la timba, on se rend compte que nombre d’entre eux ont fait le conservatoire. Dans les années 60, le pays a développé un système d’éducation artistique permettant la détection précoce des talents associée à un parcours scolaire allant du niveau l’élémentaire au supérieur. Tant et si bien qu’un musicien lorsqu’il obtient son diplôme a suivi 14 années de formation. Une pédagogie influencée par l’école russe où seule la musique classique était enseignée. Il n’était pas rare que les étudiants fassent le mur après leurs cours pour se joindre aux orchestres de musique populaire. Certains même (parmi les plus talentueux) n’allaient parfois pas au bout de leur cursus pour suivre au bout du monde leurs professeurs membres d’orchestres prestigieux.

Mais l’ancrage de la musique cubaine dans le répertoire classique remonte bien au-delà. C’est ce que dévoile Marcel Quillévéré dans son podcast.

Une relation de près de trois siècles avec la musique classique

On découvre que la musique populaire est née métissée de l’héritage des musiques afro-caribéennes et classiques. A la fin du XIXè siècle, les formes et instruments savants sont devenus populaires, passant du salon à la piste de danse, que ce soit grâce au danzon (héritier de la contradanza et l’habanera) ou la charanga francesa, héritage des Français installé dans l’Oriente après la révolution haïtienne. Leur succéderont le son, le boléro, le mambo.

Mais remontons encore plus loin. Au XIXè siècle, La Havane était le carrefour musical de la Caraïbe. La danse savante s’imprégnait de la contradanza et de la habanera. Les grands compositeurs s’appellent alors Manuel Saumell (1818‑1870), le maître de la contradanza, le virtuose du piano Ignacio Cervantes (1847‑1905), célèbre pour ses danzas, ou José White (1836‑1918), violoniste formé à Paris, auteur de l’habanera « La Bella Cubana ». Une histoire qu’on peut faire remonter à Esteban Salas (1725‑1803), premier compositeur classique de l’île.

On apprend également que si les musiques populaires se sont nourries des musiques savantes, l’inverse est également vrai. À partir des années 1920, des compositeurs comme Amadeo Roldán (1900‑1939), Alejandro García Caturla (1906‑1940), Ernesto Lecuona (1895‑1963) intègrent rythmes afro‑cubains dans les orchestres classiques.

C’est à ce voyage passionnant que nous invite Marcel Quillévéré. Riche de ses recherches et de ses connaissances, le Breton transmet son enthousiasme à travers une écriture ciselée et un art consommé de la narration à l’image des conteurs d’autrefois. Le regard tourné vers la mer, La Havane est son horizon.

En 2023, le musicien publiait ses précieuses archives sous une nouvelle forme : « Cuba, une histoire de l’île par sa musique et sa littérature », un pavé grand format de près de 400 pages dont le design soigné et la pléthore de photos inédites en font un véritable livre d’art.

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Cuba, la musique… et Quimper

Les « Semaines musicales » qui se tiendront à Quimper du mercredi 13 au dimanche 17 août 2025 consacreront leur 46è édition à Cuba. Le festival balaiera les différents aspects de la musique de l’île.

Marcel Quillévéré, invité d’honneur de ces « Nuits cubaines » : une évidence pour son directeur, le pianiste basque Andoni Aguirre. Le producteur du podcast « Carrefour des Amériques » fera une présentation de l’histoire de la musique cubaine lors de l’inauguration mercredi 13 août avant de dédicacer samedi 16 août son livre « Cuba, une histoire de l’île par sa musique et sa littérature ».

Difficile de faire son choix parmi la variété des événements proposés : mini-conférences, ateliers, bal, cours de danse… Côté concerts, la formation explosive de son cubano Septeto Nabori enflammera la soirée du samedi. La veille, la violoncelliste Ana Carla Maza aura ravi le public avec son répertoire entre jazz et musique traditionnelle. On ne manquera pas deux rendez-vous importants : le concerto de piano de Gabriel Urgell Reyes qui explorera vendredi le répertoire classique cubain et la présentation par le pianiste Omar Sosa et la violoniste Yilian Cañizares de leur magnifique album « Aguas », sorti en 2018.

Podcast « Carrefour des Amériques », France Musique.

Livre « Cuba, une histoire de l’île par sa musique et sa littérature » de Marcel Quillévére (372 pages, (Albin Michel/France Musique)

Festival « Semaines Musicales » du 13 au 17 août à Quimper. Programme complet sur semaines-musicales.com

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