Michel Barnier n’a pas attendu les derniers sondages pour comprendre le piège dans lequel il risquait de s’embourber très vite. De l’Assemblée nationale, où les oppositions s’en donnent à cœur joie pour torpiller les lois de finances et de financement de la Sécurité sociale sans que le « socle commun » supposé le soutenir accuse une grande résistance ni un grand esprit d’équipe, il n’a rien à attendre de bon. De l’opinion publique, qui lui réservait au début bon accueil eu égard aux conditions acrobatiques de sa nomination, il a désormais tout à redouter : l’indulgence est en train de se muer en incompréhension.
Dans le baromètre mensuel de l’IFOP pour le Journal du dimanche publié le 20 octobre, le premier ministre ne compte plus que 40 % de satisfaits (– 5 points), contre 60 % de mécontents (+ 5 points). Dans le sondage Harris Interactive pour LCI divulgué le 25 octobre, sa cote de confiance tombe à 39 % (– 5 points), pas très loin de celle du président de la République (35 %), qui accuse des records d’impopularité.
Tout se passe comme si les deux têtes de l’exécutif engagées dans une inédite « coexistence exigeante », selon les termes d’Emmanuel Macron, étaient mises dans le même sac, coresponsables du malheur actuel, le chef de l’Etat pour avoir vidé les caisses, le premier ministre pour vouloir les remplir à coups de hausses d’impôts et de coupes dans les dépenses publiques. La brusque redécouverte des fragilités budgétaires dont souffre le pays depuis des décennies contribue à morceler le corps social en autant de corporatismes montés sur ses ergots : pas touche au grisbi – enfin, pour ce qu’il en reste ! L’inventivité fiscale dont fait preuve la représentation nationale ces derniers jours ne contribue pas à décrisper l’atmosphère.
Réforme, un mot devenu suspect
Après avoir joué la carte de l’homme de bonne volonté, qui « ne s’est pas roulé par terre pour être premier ministre », mais a une expérience à faire valoir au service de la France, l’hôte de Matignon est obligé d’embrayer au plus vite pour ne pas perdre le peu d’oxygène qui lui reste. A coup de confidences distillées dans la presse, Michel Barnier commence à se projeter dans l’avenir. Il souhaite s’inscrire dans « une trajectoire de réformes allant jusqu’en 2029 ». L’échéance correspond à la date à laquelle la France est supposée avoir ramené son déficit public sous la barre des 3 % du produit intérieur brut. Elle a l’avantage de ne pas prendre de front tous ceux qui, dans le bloc central, s’écharpent déjà en vue de la présidentielle de 2027.
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