A Nice, « l’angoisse ultime et l’envie d’y croire, quand même »

Dans la cour de l’école des Baumettes, à Nice, Ruth Lake, 70 ans, s’assoit sur un blanc pour prévenir une amie qui lui a confié sa procuration que ça y est, elle a bien voté. Elle profite d’un moment de calme pour écrire son texto à l’ombre, sans savoir que c’est aussi ici que vote Eric Ciotti, candidat exclu de son parti à la suite de son alliance avec le Rassemblement national. Et qu’il est au coin de la rue.

Soudain, les caméras débarquent. C’est la cohue. Une douzaine de journalistes et de photographes se pressent autour du candidat. Lui serre diligemment les mains des retraitées venues le saluer « pour son courage ». Ruth lève les yeux, Eric Ciotti lui tend la main. Elle fait « non » de la tête, range ses bras derrière son dos et regarde ailleurs.

La scène est cocasse mais symbolique dans cette 1re circonscription des Alpes-Maritimes, où l’ancien chef des Républicains est arrivé largement en tête, devant le candidat du Nouveau Front populaire, Olivier Salerno (26 %), et Graig Monetti, candidat estrosiste pour la majorité présidentielle (22 %). Dans le département, trois députés RN ont été élus dès le premier tour. Le parti est en tête de toutes les circonscriptions restantes.

Ruth ne fait pas partie de cette grande majorité bleu marine. Américaine, elle a obtenu le droit de voter en France en décembre. Il s’agit donc de sa toute première élection nationale, et elle compte bien « ne pas donner ce premier bulletin à l’extrême droite ». Aux Etats-Unis, explique-t-elle, la France est vue comme un eldorado pour les libéraux. Le Washington Post faisait récemment le portrait d’un ancien élu démocrate venu se « réfugier » en France, « terre d’exil loin de Trump ». Mais l’eldorado promis a vite disparu, et désormais Ruth prend du sirop pour dormir tant elle craint la montée de l’extrême droite sur le territoire français. Ce matin, Le Monde titrait sur une France « entre angoisse et espoir ». Elle a pris le titre en photo, qu’elle nous montre fièrement. « L’angoisse ultime, et l’envie d’y croire, quand même. C’est exactement ça », dit-elle.

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