Dans La Pensée perverse au pouvoir (Anamosa, 288 p., 20 €), le sociologue Marc Joly propose une analyse parmi les plus subtiles des mécanismes qui expliquent la fascination exercée par Emmanuel Macron sur le personnel politique, les journalistes et l’opinion publique, depuis sa conquête éclair de la présidence de la République en mai 2017. Cinq ans après sa victoire, le chef de l’Etat a réédité l’exploit avant de fracasser son autorité sur une dissolution ratée qui, selon l’essayiste Alain Minc, ne fait que « traduire un narcissisme poussé jusqu’à un niveau pathologique, avec pour corollaire un total déni de la réalité ».

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Marc Joly cherche à comprendre l’enchaînement des événements depuis 2017. Spécialiste de Norbert Elias et de Pierre Bourdieu, l’auteur utilise en sociologue la boîte à outils conceptuelle du psychiatre et psychanalyste Paul-Claude Racamier (1924-1996), créateur de la catégorie de la « perversion narcissique ». Ayant consacré son postdoctorat, au CNRS, à la circulation de cette notion parfois dévoyée, il discerne, en scrutant l’exercice du pouvoir par le chef de l’Etat, les caractéristiques propres à ceux qui, selon lui, maîtrisent et manipulent habilement les rouages de la pensée perverse.

Paradoxe et ambiguïté

D’après l’auteur, le chef de l’Etat a en quelque sorte mis « sous emprise » la société française. Ce comportement, cause de nombreux échecs, est celui du pervers narcissique qui, pour atteindre ses objectifs, se doit d’évincer tout conflit intérieur en faisant peser sur autrui la charge de cette éviction. Il liste les différents procédés utilisés par le pervers narcissique : l’affirmation tranquille de soi, le rappel du cadre en nommant les comportements inadéquats, le refus de l’urgence ou encore la technique du disque rayé qui consiste à réaffirmer autant que nécessaire la légitimité de son point de vue « sans changer de ton et sans agressivité ».

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Le président de la République a pour ambition de secouer la société pour la moderniser, au risque de l’insécuriser. Après le mouvement des « gilets jaunes », il affirme lancer un grand débat qui se transforme en un exercice où la parole présidentielle réduit celle des autres au silence. Lors de la bataille sur la réforme des retraites, Emmanuel Macron dit vouloir « coconstruire » le texte de loi avec Laurent Berger, puis accuse le secrétaire général de la CFDT d’avoir été désavoué en interne pour avoir soutenu une réforme similaire à celle portée par l’Elysée – une allégation infondée.

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