Une brèche supplémentaire vient d’être ouverte par Donald Trump dans l’édifice des institutions des Etats-Unis. Il ne s’agit pas de la moindre, puisqu’elle concerne la justice, qu’il veut mettre à son service pour, espère-t-il, poursuivre et châtier ses adversaires politiques. Cette promesse de vengeance n’avait pas attendu son retour à la Maison Blanche, il entend régler désormais de vieux comptes avec l’aide d’une administration complaisante.

James Comey, ancien directeur du FBI qu’il avait limogé peu de temps après le début de son premier mandat, en 2017, figurait au sommet de la pile de ses obsessions. Parce que ce dernier avait enquêté en 2016 sur les interférences russes dans la campagne présidentielle qui avait porté le républicain au pouvoir. Il est désormais poursuivi pour faux témoignage devant le Congrès.

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La minceur apparente du dossier avait pourtant dissuadé un procureur fédéral chevronné, Erik Siebert, d’ouvrir une procédure contre James Comey. Ses réserves, partagées par d’autres magistrats, n’ont pas fait fléchir Donald Trump. Le président a poussé à la démission celui qu’il avait lui-même nommé quelques mois plus tôt, pour le remplacer par une affidée, Lindsey Halligan. L’absence d’expérience à un tel poste de celle qui était auparavant chargée, à la Maison Blanche, de la chasse à toute trace d’« idéologie inappropriée » dans les musées de la Smithsonian Institution, à Washington, n’a guère pesé face à une qualité essentielle pour Donald Trump : avoir fait partie de son équipe d’avocats lorsqu’il était cerné par les affaires.

Devant le tribunal fédéral, à Alexandria (Virginie), le 26 septembre 2025. L’ancien directeur du FBI James Comey a été inculpé par un grand jury.

Cette privatisation de la justice à des fins de vendettas personnelles ne peut surprendre de la part d’un président qui chronique ses abus de pouvoir sur son réseau social et qui a placé des exécutants serviles à la tête du département de la justice et de la police fédérale. Il est particulièrement dérangeant, néanmoins, de constater combien le clanisme porté à incandescence et le climat de peur instauré par Donald Trump dès son retour à la Maison Blanche grippent les « freins et contrepoids » autrefois exemplaires qui garantissent de coutume le bon fonctionnement de la démocratie aux Etats-Unis. Cette peur explique l’affaissement moral du Parti républicain parvenu à préserver, vaille que vaille, quelques limites à ne pas dépasser au cours du premier mandat du milliardaire.

« Ennemi intérieur »

Cette impuissance est inquiétante parce que Donald Trump n’entend pas se limiter à James Comey. Les noms d’un élu de Californie, Adam Schiff, qui avait orchestré sa première mise en accusation par la Chambre des représentants, en 2019, et de la procureure générale de New York, Letitia James, reviennent avec insistance dans la bouche du président. La magistrate a obtenu en 2022 sa condamnation et celle de ses fils pour des fraudes financières concernant leur empire immobilier.

En présentant, le 25 septembre, un décret présidentiel visant à combattre « le terrorisme intérieur et la violence politique organisée », Donald Trump a menacé également la fondation progressiste créée par le philanthrope George Soros et le cofondateur du site LinkedIn Reid Hoffman, soutien du camp démocrate, qualifiés de « militants de la gauche radicale ». Construction d’un « ennemi intérieur » à abattre, transformation du FBI en police politique et de la justice en auxiliaire du pouvoir : la pente est celle qui est toujours suivie par les régimes illibéraux.

Le Monde

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