Décrite comme contraire au droit européen, la baisse de la TVA sur les carburants reste défendue par Jordan Bardella.
L’eurodéputé RN assure qu’une telle mesure est possible, et prend en exemple la Pologne, qui l’aurait appliquée sans que la Commission européenne s’y oppose.
Si la Pologne a bien diminué son taux de TVA, il s’agissait d’une mesure contraire aux règles de l’UE et le pays n’a échappé à des sanctions qu’en raison du contexte international.

Suivez la couverture complète

Élections législatives 2024

Parmi les mesures du RN en faveur du pouvoir d’achat, la baisse de la TVA à 5,5% sur les carburants figure en bonne place. Alors que de multiples spécialistes du droit européen expliquent que les règles en vigueur dans l’UE ne permettent pas de réduire de la sorte la taxation de l’essence ou du diesel, Jordan Bardella défend sa proposition. Le président du Rassemblement national a pris la Pologne en exemple. Celle-ci « a baissé son taux de TVA sur le carburant et la Commission européenne n’a rien dit », a-t-il certifié sur le plateau de BFM TV.

Une décision contraire à la législation européenne

Les résultats des élections législatives dans votre circonscription et votre ville

En février 2022, la Pologne a en effet instauré une diminution de la TVA sur les carburants. Annoncée par le gouvernement, cette mesure présentée comme « temporaire » faisait partie d’un « bouclier anti-inflation » censé lutter contre l’érosion du pouvoir d’achat de la population. Alors que la TVA sur certains produits alimentaires passait de 8 à 0%, celle sur les carburants était ramenée à 8%, contre 23% en temps normal. 

Les médias polonais, qui ont à l’époque évoqué ces décisions gouvernementales, ont souligné que la réduction de la TVA à la pompe n’était pas autorisée par la législation européenne. « Les carburants ne peuvent bénéficier d’aucun taux de TVA réduit, même temporairement », avait déclaré un porte-parole de la Commission européenne, cité par un média en ligne polonais. Ces propos font écho aux explications fournies par les juristes des Surligneurs, partenaires de TF1info. Les spécialistes se sont penchés sur les règles en vigueur au sein de l’UE, détaillées par la directive européenne sur la TVA et qui fixent un cadre commun à tous les États membres.

« Le fioul et le carburant ne figurent pas dans la directive TVA », apprend-on, « ce qui signifie qu’un taux de TVA inférieur à 15% appliqué à ces produits serait contraire à la législation européenne. » Surtout, « lorsque les États membres se sont mis d’accord à la fin de l’année 2022 pour ajouter à cette directive une liste de nouveaux produits pouvant bénéficier d’un taux réduit, voire d’une exonération totale de TVA, ils ont expressément refusé d’ajouter les produits néfastes pour l’environnement : il serait contraire à l’objectif de transition énergétique d’appliquer des taux réduits de TVA aux biens et services polluants. » Dès lors, appliquer une taxation réduite sur l’essence ou le gasoil plaçait en 2022 la Pologne dans l’illégalité.

La Commission a fait preuve de clémence

En janvier 2023, Varsovie a mis fin à plusieurs des mesures de son bouclier anti-inflation, parmi lesquelles la baisse de TVA sur les carburants. Si le pays n’a pas été sanctionné pour avoir enfreint la législation européenne, il est abusif d’affirmer que la Commission n’a « rien dit » à la Pologne. Les autorités ont en effet été sommées de respecter les textes en vigueur à l’échelle des 27, si bien que le gouvernement de l’époque, dirigé par Mateusz Morawiecki, avait invoqué les pressions de Bruxelles pour justifier le rétablissement de plusieurs taux de TVA à leurs niveaux habituels.

Pourquoi les Polonais ont-ils échappé aux sanctions qui auraient logiquement dû leur être infligées ? En raison du contexte politico-économique, a confié à La Tribune Phuc-Vinh Nguyen, spécialiste des politiques énergétiques au sein de l’Institut Jacques Delors. « La Pologne avait diminué unilatéralement la TVA sur les carburants », a-t-il rappelé, si bien que « la Commission était passée par là et avait demandé à y mettre fin ». Le chercheur a ajouté qu’il ne s’agissait « pas d’une exemption autorisée en tant que telle », mais que la baisse de TVA « ne fut pas sanctionnée rétroactivement du fait que c’était le pic de la crise ». On se souvient en effet qu’à l’époque, l’Europe faisait face à une flambée des prix de l’énergie et de certaines matières premières. On comprend, dès lors, que les instances européennes ont fait preuve de clémence à l’égard de Varsovie, avant de solliciter au bout de quelques mois les autorités pour qu’elles reviennent en arrière et fixent des taux de TVA conformes à la législation.

Si l’UE se montre d’ordinaire très stricte en matière de TVA, c’est en raison des distorsions de concurrence qu’elles peuvent causer parmi les 27. À ce titre, la baisse observée en Pologne sur les carburants a très bien illustré les enjeux liés à une régulation, puisque les médias ont rapporté que dans les zones frontalières, une multitude d’automobilistes étrangers se sont rués dans les stations services polonaises pour profiter d’une essence moins chère. Des conducteurs venus de République tchèque, de Slovaquie ou encore d’Allemagne en quête d’économies et qui ont causé quelques remous. Des files d’attentes interminables ont été observées à la pompe, la douane étant même obligée d’intervenir pour éviter que des particuliers ne viennent remplir des jerricans et contribuent à causer des pénuries.

Vous souhaitez nous poser des questions ou nous soumettre une information qui ne vous paraît pas fiable ? N’hésitez pas à nous écrire à l’adresse lesverificateurs@tf1.fr. Retrouvez-nous également sur Twitter : notre équipe y est présente derrière le compte @verif_TF1LCI.


Thomas DESZPOT

Partager
Exit mobile version