Le ministre polonais des affaires étrangères, Radoslaw Sikorski, devant le Parlement à Varsovie, le 25 avril 2024.

L’exercice de l’exposé annuel de politique étrangère lui était familier, pour l’avoir pratiqué à sept reprises, entre 2007 et 2014, époque à laquelle Radoslaw Sikorski pilotait déjà, en duo avec le premier ministre, Donald Tusk, la diplomatie de la Pologne. Depuis, une parenthèse de huit années de gouvernance des conservateurs nationalistes du parti Droit et justice (PiS) a considérablement terni l’image du pays sur la scène internationale. Les deux mêmes protagonistes sont revenus aux commandes. Jeudi 25 avril, le ministre des affaires étrangères a exposé, devant la Diète, la chambre basse du Parlement, sa vision sur la place de Pologne et sur la nature du projet européen.

Sous les gouvernements Tusk I et II, bien que désireux de s’inscrire dans le « courant dominant » de la politique européenne, Varsovie faisait preuve d’une certaine prudence quant à toute idée d’intégration approfondie, appréhendant davantage l’Union européenne (UE) comme un vaste marché plutôt que comme une « Europe puissance » politique, si chère à la France. De ce point de vue, l’histoire a imposé aux Européens une rupture que la Pologne a fini par acter : à l’aune de la guerre en Ukraine, souligne Radoslaw Sikorski, « l’UE est devenue un projet géopolitique. Le rôle de la Pologne est de soutenir ce processus ».

Rhétorique de la « décadence de l’Occident »

Il aura fallu d’abord prendre le temps de rappeler les innombrables erreurs et manquements de ses prédécesseurs pour expliquer à quel point le pays revient de loin. De ces fautes, M. Sikorski a dressé la liste : le conflit chronique avec les institutions européennes, la marginalisation du pays dans les structures internationales, la dégradation des relations avec les principaux partenaires et voisins (à l’exception de la Hongrie), un antigermanisme viscéral, l’alliance avec les Etats-Unis de Donald Trump contre l’UE et le rapprochement avec des partis politiques nationalistes ouvertement prorusses. Sans oublier la rhétorique de la « décadence de l’Occident » comme point de référence idéologique.

M. Sikorski n’a pas manqué, non plus, de citer l’eurodéputé Zdzislaw Krasnodebski, sociologue et philosophie, principal idéologue du PiS en affaires européennes, qui avait estimé, en août 2022, soit après l’invasion russe de l’Ukraine, que le principal danger pour la souveraineté de la Pologne venait « davantage de l’Ouest que de l’Est ». Enfin, la politisation de la fonction publique au détriment des critères de compétence, qui n’a pas épargné le ministère des affaires étrangères, fut aussi très dommageable. Mi-mars, M. Sikorski a renvoyé d’un trait de plume plus de cinquante ambassadeurs, non sans susciter la polémique.

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