L’ethnologie n’est plus à la mode – et c’est bien dommage. Loin de tout exotisme, elle montre que notre humanité commune se présente sous des expressions tellement variées qu’elles en demeurent parfois inaudibles et invisibles. Tel est aujourd’hui le paradoxe d’une mondialisation qui réclame des gens venus des pays dits « du Sud global » qu’ils nous ressemblent, à nous, Occidentaux, jusque dans l’expression la plus intime de leur souffrance. C’est particulièrement vrai dans les domaines qui relèvent de l’intolérable comme les crimes de masse.

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Les violences de grande ampleur perpétrées par la révolution maoïste connue sous le nom de « régime khmer rouge », en place du 17 avril 1975 au 7 janvier 1979 au Cambodge, a fait l’objet de multiples descriptions et analyses. Mais, à ce jour, bien peu d’informations ont filtré sur les perceptions et les ressentis des Cambodgiens et des Cambodgiennes.

La narration qui en est faite dans les pays occidentaux s’inscrit dans un cadre bien précis : celui, plutôt misérabiliste, de l’urgence humanitaire, voyant dans le Cambodge un pays de rescapés à sauver de l’anéantissement, alors même que la grande majorité des organisations non gouvernementales (ONG) sont arrivées au Cambodge dix ans, voire vingt ans après le génocide. A partir des années 2000 apparaît dans les écrits l’idée d’un traumatisme massif et généralisé.

Modèle de résilience

Cette vision d’un pays dévasté et traumatisé, attendant l’aide humanitaire occidentale pour ressusciter, n’est pas si éloignée de celle du XIXsiècle qui présentait le Cambodge comme un petit royaume sur le point de disparaître, avalé par ses deux puissants voisins, le royaume de Siam (l’actuelle Thaïlande) et le Đại Việt (l’actuel Vietnam). Cette vision avait été à l’origine de l’intervention de la France au Cambodge et de sa mise sous protectorat, de 1863 à 1953.

Contrairement à ce que suggère cette narration occidentale, les Cambodgiens, depuis le premier jour de la « libération » de 1979, ont fait preuve d’une détermination et d’un courage qui forcent le respect et qui constituent un modèle de résilience. Ils n’ont pu compter, la plupart du temps, que sur leur force, l’appui du bloc socialiste et les maigres aides fournies par l’occupant vietnamien, qui a quitté le Cambodge vers 1988.

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