La présidence azerbaïdjanaise de la COP29 propose de fixer à 250 milliards de dollars (environ 240 milliards d’euros) par an d’ici à 2035 la contribution des pays développés à la finance climatique pour les pays en développement, selon un nouveau projet d’accord publié vendredi 22 novembre.
C’est la première fois qu’un chiffre est proposé formellement à Bakou après deux semaines de tractations. Mais, faute d’accord concernant ce montant, la conférence sur le changement climatique est officiellement entrée dans les prolongations vendredi à 18 heures, heure locale (15 heures, heure de Paris). Les négociations vont donc se poursuivre.
L’objectif de 250 milliards de dollars annuels serait très inférieur aux demandes des pays en développement : ils veulent voir les pays riches fournir entre 500 et 1 300 milliards de dollars par an pour les aider à sortir des énergies fossiles et s’adapter au réchauffement climatique. Mais il représenterait deux fois et demie l’engagement actuel de 100 milliards de dollars par an sur la période 2020-2025. Cet argent est aujourd’hui essentiellement de l’argent public, mais les pays riches voudraient augmenter à l’avenir la part du privé.
Ce chiffrage reflète la demande des pays développés, a précisé la présidence de la COP29, confirmée par une source proche des négociations. Reste à savoir s’il sera revu à la hausse. Tout accord à la COP29 doit être adopté par consensus des près de 200 pays réunis.
Selon le texte désormais au cœur des débats, le nouvel engagement des pays riches pourra être financé « par une grande variété de sources, publiques et privées, bilatérales et multilatérales, dont des sources alternatives ». Une allusion aux propositions de taxes mondiales sur les plus riches, l’aviation, le transport maritime… et encore loin d’être actées.
« Mépris » pour les « peuples vulnérables », selon l’Aosis
Les Azerbaïdjanais ont prévenu qu’ils n’accepteraient plus que d’ultimes « ajustements », mais qu’ils travaillaient à un objectif financier plus « juste et ambitieux ». Premier à réagir parmi les coalitions du Sud, le groupe africain a rejeté un montant « totalement inacceptable et inadapté pour mettre en œuvre l’accord de Paris », par la voix du négociateur kényan, Ali Mohamed. Les autres poursuivent les consultations, près de quatre heures après la sortie du texte.
L’Alliance des petits Etats insulaires (Aosis) a, elle, dénoncé le « mépris » pour leurs « peuples vulnérables ». « Nous en appelons à la conscience morale de ceux qui affirment être nos partenaires pour qu’ils soient de notre côté, nous tendent la main et ne nous abandonnent pas », dénonce dans un communiqué ce groupe d’îles du Pacifique, des Caraïbes ou d’Afrique.
« Ce chiffre est trop bas », ont abondé des économistes mandatés par l’ONU, Amar Bhattacharya, Vera Songwe et Nicholas Stern, dont le rapport est devenu une référence du sommet. « Le monde brûle, nous ne pouvons pas attendre des cacahuètes pendant onze ans en donnant l’impression de faire une pause dans la sortie des énergies fossiles », a réagi Friederike Röder, de l’ONG Global Citizen, entre autres réactions scandalisées de la société civile.
Gestion de la conférence critiquée
Les Etats-Unis préviennent déjà que 250 milliards par an représenteraient un effort « extraordinaire » par rapport à l’engagement actuel, selon un haut responsable américain. Le projet d’accord fixe séparément un objectif ambitieux de lever un total de 1 300 milliards de dollars par an d’ici à 2035 pour les pays en développement ; ce total inclurait les 250 milliards des pays développés et d’autres sources de financement. « Il y a les moyens d’arriver à un accord et que j’espère qu’on va pouvoir y arriver », dit un diplomate français.
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« Chaleur humaine »
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Des négociateurs et des ONG critiquent la gestion de la conférence par les Azerbaïdjanais, inexpérimentés pour mener des négociations aussi importantes entre près de deux cents pays. « La présidence est incompétente, c’est le chaos total », confie à l’Agence France-Presse un négociateur occidental, entre deux réunions bilatérales.
La conférence s’est tenue dans une atmosphère lourde. Le président azerbaïdjanais, Ilham Aliev, a attaqué à la tribune la France, alliée de son ennemi l’Arménie, et les deux pays ont convoqué leurs ambassadeurs respectifs, tandis que plusieurs militants environnementaux azerbaïdjanais sont en détention.
La finance climatique désigne les prêts et les dons fournis par les pays développés, au nom de leur responsabilité historique dans le dérèglement climatique, pour aider les pays en développement à affronter un climat plus destructeur et à investir dans les énergies bas carbone. « Nous ne demandons que 1 % du PIB [produit intérieur brut] mondial. Est-ce trop demander pour sauver des vies ? », interroge Juan Carlos Monterrey Gomez, négociateur du Panama.
Un autre combat est mené par l’Union européenne : elle négocie davantage d’« ambition » pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, mais s’oppose aux producteurs de pétrole comme l’Arabie saoudite. Succès, pour l’instant : une des composantes du projet d’accord mentionne explicitement la transition vers la sortie des énergies fossiles, la formulation arrachée à la COP28 l’an dernier. Mais restera-t-elle dans l’accord final ?
La Chine a tracé une ligne rouge à Bakou : elle ne veut aucune obligation financière. Pas question de renégocier la règle onusienne de 1992 qui dispose que la responsabilité de la finance climatique incombe aux pays développés. Elle aussi devrait être satisfaite du dernier projet d’accord, qui « invite » les pays en développement, dont la Chine fait officiellement partie, « à fournir des contributions additionnelles ».