La nomination de Michel Barnier au poste de premier ministre, alors que son parti a largement perdu les élections législatives, ne cesse, à juste titre, de susciter débats et colère en France. Notre système majoritaire à deux tours est l’objet de légitimes critiques et remises en cause, étant donné qu’il n’empêche pas la nomination par le président de la République d’un premier ministre de son choix. De nombreux observateurs et acteurs de la vie politique mettent plus que jamais en avant le mode proportionnel comme unique alternative au scrutin majoritaire, alors que ce mode de scrutin présente aussi des inconvénients.
En réalité, il en existe d’autres, certains ayant été testés soit in situ – des électeurs de plusieurs bureaux de vote en France ont été invités, juste après avoir voté lors du premier tour de l’élection présidentielle, à tester d’autres modes de scrutin –, soit sur Internet avec des volontaires, soit dans des laboratoires de recherche, soit lors d’élections locales.
Cherchant quel mode de désignation serait le plus juste, Condorcet (1743-1794) imagina un système de vote par « jugements » fondé sur des « duels », plus nuancé que notre système uninominal à deux tours, le gagnant idéal, dit « le gagnant de Condorcet », étant celui qui gagnerait tous ses duels. Par exemple, avant la présidentielle de 2022, Emmanuel Macron était, si l’on se réfère aux sondages de l’époque, un gagnant de Condorcet : en cas de duel avec ses deux principaux opposants d’alors, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon, il serait sorti gagnant à chaque fois. Ainsi, malgré seulement 18 % de voix d’inscrits recueillies au premier tour, Emmanuel Macron aurait gagné aussi avec un autre mode de scrutin.
Une modalité plus mathématique consiste, pour le votant, à attribuer une note sur un barème donné (par exemple, entre 0 et 10, ou encore sur une échelle de – 1 à 1) à chaque candidat, et non pas un seul, celui obtenant le plus de points étant alors élu. Une variante du « vote par notes », déjà effective aux Etats-Unis lors d’élections municipales à Saint-Louis, est le « vote binaire par approbation », qui revient à mettre la note 0 ou 1.
Eliminer le pire
Le « jugement majoritaire » est encore un autre mode de scrutin inspiré de Condorcet : il demande aux votants de s’exprimer sur chaque candidat de manière qualitative en exprimant un jugement. Ainsi, chaque candidat se voit attribuer par chaque votant non pas une note, mais une mention à choisir parmi six : excellent, très bien, moyen, passable, défavorable, à rejeter. La désignation du gagnant est alors plus complexe : il ne s’agit pas de simple arithmétique, mais de prendre celui qui a été le mieux évalué par une majorité d’électeurs. Ce mode de scrutin a permis de désigner le candidat lors des primaires à gauche il y a quelques années.
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