Portrait d’Europe, une des lunes de Jupiter, assemblé à partir d’images obtenues, en 1995 et en 1998, par la sonde Galileo (NASA). Le rendu des couleurs est très proche de ce que nous verrions à l’œil nu. Les teintes brunâtres qui rehaussent les fractures de la croûte de glace proviennent de matériaux divers qui se sont déposés sur la glace à la suite de remontées de glace plus chaude, d’eau liquide ou de vapeur.

C’est un phénomène géophysique qui fait rêver les scénaristes de science-fiction, gamberger les astrophysiciens et turbiner les agences spatiales. Certains satellites naturels de Jupiter et de Saturne maintiennent sous leurs surfaces de glace des océans, aux volumes surpassant, parfois de plusieurs fois, celui… de toutes les eaux terrestres réunies !

De quoi aiguillonner la NASA pour s’assurer d’un départ de la mission Europa Clipper, prévu à partir du 10 octobre 2024, sans trop de retard. C’est la condition pour espérer atteindre Europe, une des lunes de Jupiter, au printemps 2031, avant l’arrivée de Juice (l’acronyme de Jupiter Icy Moons Explorer, « l’explorateur des lunes glacées de Jupiter »), sa concurrente de l’Agence spatiale européenne (ESA). Lancée en avril 2023 depuis la base de Kourou (Guyane), cette dernière est déjà en route. Effectuant sa traversée du Système solaire par un trajet moins direct que celui prévu par le vaisseau américain, elle ne devrait parvenir en vue du corps céleste qu’en juillet 2032. En principe trop tard pour gagner le duel à distance.

Cette course est surtout symbolique. Réussir à se jouer des dangereuses ceintures de radiations de Jupiter pour survoler Europe est une prouesse technologique que, de part et d’autre, les équipes voudraient légitimement faire connaître. Au bout du compte, elles effectueront un travail complémentaire et seront tenues de collaborer dans cette aventure, tout entière dévolue à l’étude de ces océans cachés du Système solaire.

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En braquant leurs batteries d’instruments sur les lunes Europe, Ganymède et Callisto, les sondes Europa Clipper et Juice (qui doit aussi observer Jupiter) doivent caractériser deux de ces étendues liquides (ou peut-être trois), et tenter d’établir si elles pourraient constituer des environnements favorables au maintien d’une forme de vie… qui tirerait sa subsistance de l’exploitation des ressources minérales. Elle aurait parcouru tout le chemin de l’évolution sans avoir jamais été exposée à la lumière, en étant limitée en matière d’horizon aux parois internes d’une sorte d’aquarium géant formé par la coquille de glace encapsulant son monde.

Premiers soupçons

Des océans potentiellement habitables dissimulés dans des satellites glacés aux températures extérieures frôlant les – 150 °C ? Il était temps de confronter cette vieille lune à l’épreuve des faits. A être rabâchée, sans jamais être alimentée d’indices autrement qu’au goutte-à-goutte, celle-ci risquait la dessiccation.

Tout commence en 1979 avec les premiers soupçons d’une activité tectonique sur Europe. Cette année-là, les sondes Voyager 1 et Voyager 2 envoient les premières images de ce gros satellite. Et ce qu’elles révèlent de l’état de la surface stupéfie les astronomes. Presque privée de relief, celle-ci est lisse comme celle d’aucun autre objet du Système solaire. Et est, contre toute attente, constituée de terrains jeunes, peu pourvus en cratères, âgés de 40 millions à 90 millions d’années seulement. Un peu partout, des craquelures et des rayures semblables à celles des banquises terrestres strient cette croûte, indiquant un renouvellement de sa glace par des mouvements internes amorcés à la base de la calotte.

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