Longtemps, la baisse continue de la mortalité infantile a été l’un des signes les plus flagrants des progrès de la science et de la société française. Alors qu’en 1945, pour 1 000 naissances vivantes, plus de 50 enfants mouraient avant leur premier anniversaire, ils n’étaient plus que 22 en 1965, 10 en 1980 et 3,6 en 2005, l’étiage dans ce domaine. Mais après une période de stagnation, la mortalité infantile en France a recommencé à augmenter depuis 2021 pour atteindre 4,1 en 2024 contre 3,3 en moyenne européenne et 2,5 en Suède (pour 1 000 naissances).
Alors que la France était en tête pour la survie des enfants en 1990 en Europe, la voilà parmi les lanternes rouges. Son taux de mortalité infantile se situe à la 23e place parmi les 27 Etats de l’Union, entre la Pologne et la Bulgarie.
La sécheresse des statistiques masque la détresse des parents des 2 700 enfants (1 sur 250) qui, en 2024, sont morts avant 1 an, et même au cours de leur premier mois pour près de trois sur quatre. Ce ne sont certainement pas ces familles en deuil qui vont sonner l’alarme auprès des autorités sur le scandale de cette dégringolade française et le silence assourdissant qui l’entoure. Comme s’il s’agissait d’une énième ombre au tableau des malheurs du temps, la recrudescence de la mortalité infantile n’alimente aucun débat, alors que c’est une honte nationale.
La promesse faite en 2022 par Elisabeth Borne, alors première ministre, d’ériger l’enfance en « priorité du quinquennat » s’est perdue dans les sables des remaniements et de la dissolution de l’Assemblée nationale, en juin 2024. Et la stratégie gouvernementale des « 1 000 premiers jours de l’enfant » ne s’attaque pas directement au fléau.
Faiblesses de la prévention
De façon stupéfiante, alors que les causes de cette recrudescence de la mortalité infantile sont identifiées, leur poids respectif n’est pas clairement évalué. Grosso modo, elles sont de deux ordres : organisationnelles d’une part, avec le maintien en service de petites maternités mal équipées et victimes d’une intense pénurie de médecins, de sages-femmes et de personnels soignants et la faiblesse croissante du réseau de PMI (protection maternelle et infantile) ; sociales et sociétales d’autre part, avec l’augmentation des grossesses tardives ou à risque lié au surpoids, à la consommation d’alcool, de drogue ou de tabac, de la précarité et des inégalités sociales, notamment celles touchant les mères nées à l’étranger.
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