Pourquoi rouvrir le dossier de la retraite à 64 ans ? La marche du monde et le bon sens ne doivent-ils pas conduire à ne pas rejouer inlassablement les débats du passé ? Il y a pourtant de bonnes raisons de considérer que la réforme de 2023 n’est pas un sujet clos, car celle-ci a créé deux problèmes qui, loin d’être résolus, sont encore devant nous : une crise politique et des difficultés socio-économiques. De plus, la poursuite à tout prix d’une hausse du taux d’emploi [proportion des personnes en âge de travailler qui ont effectivement un emploi] est une stratégie au souffle court, dont les gains sont sans doute surestimés.

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La crise politique que connaît la France ne se résume pas à la question des retraites, mais elle ne lui est pas étrangère : il est rare d’observer, dans l’Hexagone ou dans les démocraties comparables, des réformes concernant un élément aussi central du modèle social que le système de retraite, qui soit mis en place sans une légitimation politique forte. Ainsi, face à un mouvement social fort, la réforme de 1995 a été retirée ; les réformes de 2003 et de 2013 ont fait l’objet d’aménagements, même la réforme de 2010, très contestée, a pu s’appuyer sur une majorité parlementaire explicite, avec l’idée que le contentieux pourrait se dénouer à la prochaine élection.

Au contraire, la réforme de 2023 a prouvé sa faible légitimité. Si elle avait été annoncée dans le programme d’Emmanuel Macron à la présidentielle de 2022 (retraite à 65 ans), c’est en revanche en large partie sur ce sujet que son camp n’a pas obtenu de majorité aux élections législatives qui ont suivi.

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De ce fait, la réforme a été adoptée sans vote, contre une très large majorité de l’opinion, l’ensemble des syndicats, et sans majorité parlementaire. La défaite du camp présidentiel aux élections législatives de 2024 s’est également jouée pour partie sur cette question. L’argument de l’impérieuse nécessité ne résiste pas non plus à l’examen : les baisses de recettes survenues depuis 2017 (2 points de PIB [produit intérieur brut] par an) ont dégradé les comptes publics bien plus que ce que n’apportera jamais la réforme des retraites. Quant aux marchés financiers, ils ont sanctionné la dissolution plus qu’ils ne l’ont jamais fait d’aucune réforme réussie ou ratée.

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