Nous traversons une crise politique d’une gravité historique. Venue de loin, elle est le produit d’une longue usure des institutions et d’une accumulation de désenchantements, nourris par des alternances sans alternatives, dont le cycle infini a nourri la défiance, l’extrême droite et la fragmentation politique.

La responsabilité personnelle d’Emmanuel Macron est largement engagée dans l’effondrement actuel du système politique. Depuis un an, le fait du prince a conduit à une dissolution de confort, décidée sans concertation, d’autant plus inconsidérée que le Rassemblement national (RN) était aux portes du pouvoir. Le président n’a pas pris en compte le verdict des urnes, jugeant non négociable une politique de l’offre pourtant massivement rejetée par l’opinion et à l’origine d’une aggravation des déficits et de la dette.

Personne n’a gagné, mais lui estime qu’il n’a pas perdu. Après deux échecs programmés de premiers ministres issus d’un bloc central minoritaire, retranché dans sa citadelle élyséenne, le président s’entête et nomme à Matignon Sébastien Lecornu, un de ses proches et derniers fidèles. Pire, il fait la leçon aux partis, leur enjoignant de régler une situation de confusion qu’il a lui-même créée.

Profond dégoût

Mais la responsabilité d’Emmanuel Macron est plus ancienne. En 2017, le président disruptif pouvait être une réponse à une crise démocratique déjà aiguë. En deux mandats, il l’a pourtant approfondie. Il a abîmé la politique, amplifiant le profond dégoût qu’elle suscite désormais dans la société. Il semble d’ailleurs jouir de la large détestation qui le met obsessionnellement au cœur du jeu politique.

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Emmanuel Macron voulait dépasser le clivage gauche-droite, faire « la politique autrement », apaiser et décrisper la vie politique. Elle n’a jamais été aussi conflictuelle et fragmentée. Il était dégagiste, et s’est construit contre la « corporation » et le sérail politiques, dans une extériorité populiste d’emblée artificielle. Il a pourtant, par sa suffisance, sa morgue et sa condescendance sociale pour des Français jugés « réfractaires », exacerbé la défiance à l’égard des élites politiques. Il entendait être jugé sur la baisse de l’extrême droite. Elle n’a jamais été aussi puissante et menaçante.

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