La revue des revues. « Où faut-il se situer pour appréhender les mouvements qui nous échappent ? », s’interrogent Michèle Coquet et Emmanuel Grimaud, rédacteurs en chef de la revue semestrielle d’anthropologie et de sciences humaines Terrain, dans un numéro intitulé « Dépasser les bornes ».

Que faire quand nos repères à la fois géographiques et mentaux semblent bousculés ? Aborder la question des limites permet aux contributeurs de la revue de se rapprocher de l’actualité la plus brûlante, vu la période dans laquelle la planète évolue, mais aussi de traiter des sujets aussi variés que le commerce transfrontalier, les marées noires ou les communs spatiaux. Leur approche est de privilégier la description ethnographique et l’étude de cas étonnants, voire dérangeants.

Pour tester les limites physiques des athlètes, le sociologue et spécialiste du sport Simon Lancelevé a suivi pendant trois saisons la course « la plus dure au monde », celle de la Chartreuse Terminorum, en Isère. Il s’agit d’un ultra-trail, où les coureurs doivent parcourir cinq fois, en moins de quatre-vingts heures, une boucle de 60 kilomètres et de 5 000 mètres de dénivelé. Le rapport au temps y est essentiel, tout comme le dépassement de soi et le refus de la souffrance. L’auteur finit par distinguer quatre types de coureurs, du joueur convivial au jusqu’au-boutiste en passant par le découvreur et le performeur.

Raconter ses émotions

L’anthropologue Marion Breteau, quant à elle, a étudié les conditions de vie, dans les pays du Golfe, des 2 millions de travailleuses domestiques originaires d’Asie du Sud ou d’Afrique subsaharienne qui utilisent leur téléphone portable et le réseau TikTok pour raconter leurs émotions. Se filmer dans des situations comiques aide ces employées de maison qui peuvent être renvoyées du jour au lendemain de surmonter leurs conditions précaires. TikTok leur permet, analyse l’anthropologue, « de construire de nouvelles façons d’être au monde et en migration ».

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Les complicités passées au crible de la revue « Terrain »

Professeure palestino-américaine de médias, Helga Tawil-Souri s’est intéressée au réseau Internet par pigeon (Internet Pigeon Network) mis en place dans la bande de Gaza pour remédier à la faiblesse des Wi-Fi locaux. Dans cet article écrit avant l’offensive israélienne, la chercheuse montre que ce système écologique de transfert de données qui permet de dépasser les frontières se révèle plus rapide que le débit Internet disponible localement : un pigeon peut transporter une pochette pesant jusqu’à 50 grammes, soit plusieurs clés USB. « Il faut à un pigeon moins de trois heures pour rallier Gaza à Aqaba [en Jordanie] et autant au retour », observe l’autrice.

Il vous reste 2.9% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Partager
Exit mobile version