Avec la mise en place d’économies de guerre pour faire face à Moscou, les écologistes voient s’amenuiser l’espoir d’une lutte efficace contre le changement climatique. Pourtant les deux causes – défendre l’Ukraine démocratique et réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) – ne sont pas contradictoires. L’histoire de la Russie depuis 1991 suggère que, sans coup d’arrêt aux visées de son président, Vladimir Poutine, le défi climatique risque d’être encore plus sacrifié, et le monde sera encore plus livré à l’extractivisme.

En mars 2022, quelques jours après le début de l’invasion militaire massive de l’Ukraine, le philosophe et sociologue des sciences Bruno Latour (1947-2022) l’affirmait dans un de ses derniers textes [publié dans la revue AOC] : « La seule chose dont je suis sûr, absolument sûr, c’est qu’il ne faut en aucun cas choisir entre ces deux tragédies » – contenir l’agression contre Kiev et atténuer la catastrophe climatique à venir.

Un aperçu de l’histoire environnementale de la Russie montre que le régime poutinien, depuis vingt-cinq ans, a été plus un ennemi qu’un allié sur le front du climat. D’après les chiffres de l’Union européenne (UE), les émissions russes de GES ont augmenté de 23 % entre 2000 et 2023, quand elles baissaient d’environ 30 % dans l’UE sur la même période.

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Les scientifiques soviétiques avaient pourtant été pionniers dans la découverte du réchauffement et de sa cause anthropique. Ce qui n’empêcha pas le climatoscepticisme de prospérer en URSS, en raison de la coupure Est-Ouest et d’agissants lobbys productivistes au sein de l’Etat. Toutefois, des experts soviétiques puis russes participèrent aux travaux du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), créé en 1988, et contribuèrent à la rédaction du protocole de Kyoto sur la réduction des GES en 1997. Il fut ratifié par la Russie fin 2004, en échange d’un soutien de l’Union européenne à son adhésion à l’Organisation mondiale du commerce.

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