Connaissez-vous le football à trois côtés ? Un terrain, un ballon, trois équipes, un vainqueur. Le terrain, en forme d’hexagone, comporte trois buts disposés en alternance sur trois des six côtés. La règle du jeu est très simple : l’équipe gagnante est celle qui a encaissé le moins de buts. Il n’y a pas d’arbitre, car on suppose que les joueurs sont fair-play (comme c’était d’ailleurs le cas au début de l’histoire du vrai football).

Evidemment, les joueurs vont nouer des alliances, devront faire des concessions et n’hésiteront pas à trahir si nécessaire. L’équipe en tête, celle qui a encaissé le moins de buts, doit rapidement se défendre face aux attaques combinées des deux autres. Toute ressemblance avec une situation actuelle serait purement fortuite.

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Ce jeu a été imaginé par le philosophe et artiste danois Asger Jorn, l’un des membres fondateurs de l’Internationale situationniste, une organisation révolutionnaire composée d’artistes d’avant-garde, d’intellectuels et de théoriciens politiques. En 1964, en pleine guerre froide, il écrit De la méthode triolectique dans ses applications en situlogie générale (Institut scandinave de vandalisme comparé, épuisé).

Il s’agissait d’une critique violente de la dialectique marxiste et plus généralement de l’affrontement bipolaire qui est omniprésent dans nos sociétés : le bien et le mal, l’est et l’ouest, l’homme et la femme, la droite et la gauche, le PSG et l’OM, etc. La pensée triolectique est présentée de manière surprenante comme inspirée par la science : l’analysis situs (1895-1904) du mathématicien Henri Poincaré et la mécanique quantique du physicien Niels Bohr. Jorn cite également Dante dans son introduction : « Oh, comme il me parut grand sujet d’émerveillement quand je vis que sa tête avait trois faces. L’une devant était rouge. Celle de droite paraissait entre blanc et jaune. Celle de gauche était d’un éclat pareil aux faces des gens venus d’où le Nil descend, c’est-à-dire entre bleu et noir. » Jorg présente ce football ternaire comme une métaphore pour illustrer son texte, sans vraiment penser à y jouer.

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