On ne peut reprocher au droit du travail la date de sa naissance : le début du XXe siècle lors de la révolution du taylorisme et du fordisme. Mais, un siècle plus tard, est-il raisonnable d’appliquer, en particulier à des travailleurs de la connaissance parfois à leur domicile, les rudes normes militaro-industrielles du « tout collectif » (temps, lieu, action) d’une manufacture, avec ses ouvriers « spécialisés » (dans une tâche) devant répliquer une pièce à l’infini ? Les règles organisationnelles pour reproduire, et pour réagir ou innover, sont-elles les mêmes ? Les neurones se reposent-ils comme les bras ? Charge pondérale et mentale sont-elles de même nature ?

Les jeunes générations ébahies par le critère du contrat de travail (« la subordination juridique permanente ») sont-elles des « fait-néant », ou contestent-elles le décalage entre la société verticale de leurs parents et leur vécu, avec notamment le télétravail ? Trois constats éclairants. Le nombre de bacheliers : 5 % d’une génération en 1950 (31 697 bacheliers) ; 20 % en 1970 (167 307) ; et 80 % en 2024 (684 200). Le nombre d’étudiants du supérieur : multiplié par neuf entre 1960 et 2024 (3 millions d’inscrits). En 1980, la France comptait quatre fois plus d’ouvriers que de cadres ; leur part dans l’emploi total (22,4 %) dépasse aujourd’hui celle des ouvriers (19 %).

Selon France Travail, un jeune entrant sur le marché du travail changera plus de dix fois d’emploi. Le turnover a déjà augmenté (510 000 ruptures conventionnelles et 2,2 millions de démissions en 2023), parfois accompagné d’un changement de statut : contrat de travail à durée déterminée, contrat de travail à durée indéterminée (CDI), formation professionnelle, travail indépendant… Le Graal n’est plus de « faire carrière » dans une entreprise et, avec les restructurations permanentes, l’étoile polaire du CDI a pâli : un CDI à durée très « indéterminée ».

La soif d’autonomie touche toutes les générations

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