Alors que le nouveau premier ministre, Sébastien Lecornu, annonce une réduction des dépenses dans la loi de finances pour l’année 2026, un constat s’impose : l’obsession pour la dette publique reste solidement ancrée dans une pédagogie biaisée.

Son prédécesseur François Bayrou, en sacrifiant son mandat au nom de la « vérité » sur les comptes publics, avait rejoué une vieille pièce : celle de la menace planant sur les « générations futures ». Une rhétorique éprouvée depuis des décennies, qui masque les rapports de force sociaux que la dette organise.

La dette publique a des effets distributifs, mais ils ne sont pas déterminés dans l’absolu. Elle peut opérer une redistribution des plus riches vers les plus pauvres si elle permet d’étendre les services publics, en privilégiant leurs qualités plutôt que la baisse de leurs coûts, et si le système de financement par l’impôt est progressif.

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Mais ce n’est pas ce qu’il se passe : prise dans l’étau des politiques de l’offre, horizon indépassable de la classe politique depuis les années 1980, la dette publique a entraîné une redistribution à rebours au bénéfice des classes possédantes. Les choix des dernières décennies – suppression de l’ISF, baisse de la fiscalité du capital, multiplication d’aides aux entreprises sans contreparties – ont asséché les recettes publiques et sociales.

Dans le même temps, ces allégements de prélèvements obligatoires ont accru la capacité d’épargne des classes sociales les plus aisées, qui sont… les détentrices des titres d’Etat. La dette publique devient une source de rente privée garantie : ce qu’ils ne paient pas en impôts, les plus riches le prêtent à un Etat qu’ils ont contribué à appauvrir, et ils perçoivent des intérêts sur leurs placements alors que les classes moyennes et populaires subissent les coupes budgétaires qui garantissent la soutenabilité des emprunts publics et leur remboursement aux contribuables les plus aisés. Derrière le « nous » collectif des Français endettés invoqué par les gouvernants, se cache un clivage social : pour les fractions les plus aisées de la population, loin d’être un problème, la dette représente une possibilité de placement prospère quand la majorité la finance et en endure les conséquences.

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