« O bella ciao, bella ciao, bella ciao ciao ciao/ Una mattina mi sono alzato/ E ho trovato l’invasor. » Pendant longtemps, Paul (toutes les personnes interrogées dans cet article ont requis l’anonymat) n’a plus pu supporter cet hymne italien à la résistance contre le fascisme que fredonnait souvent sa fille Salomé, 3 ans et demi à l’époque. Il l’avait justement dans la tête lorsqu’il a appris, par téléphone, les résultats de la biopsie de son enfant. Sur la terrasse d’une place au cœur de Paris, au début de l’été 2020, leur vie s’est brutalement « effondrée ». « L’invasor » est un cancer du foie pédiatrique. Paul et sa femme, Christelle, deviennent des combattants malgré eux.

Alors qu’ils s’apprêtent à accueillir leur deuxième enfant un mois plus tard, ces deux géologues parisiens basculent dans « un monde parallèle où tout semble irréel ». Ils comprennent qu’ils vont « changer de vie ». Assez rapidement, ils se mettent en action, en s’accrochant à ces deux phrases « salvatrices » de l’oncologue, qui ont presque éclipsé le reste du rendez-vous : « Ça se soigne très bien » et « Salomé fera sa rentrée en moyenne section ». Au milieu du jargon médical, seul l’espoir s’imprime.

Cet été-là, leur nouveau quotidien se dessine « sur des rails », avec une ligne conductrice : que la maladie prenne le moins de place possible dans leur vie de famille. Salomé est soignée à l’Institut Curie, à Paris, à quelques centaines de mètres de leur domicile, facilitant les allers-retours. Les grands-parents viennent de Bretagne les épauler. Les premières semaines se vivent dans la « dissociation », entre les cures de chimiothérapie et le quotidien « comme d’habitude, au maximum », avec pour horizon palpable l’heureux événement à venir. « Entre les deux, pas la peine de se poser de questions », dit Paul : il s’agit de ne pas se laisser « submerger ». Auguste naît quelques semaines plus tard – « un grand moment de joie au milieu du chaos », glisse pudiquement son père, presque cinq ans plus tard, dans le salon de leur appartement.

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