« Vous me prenez pour un imbécile ? » Ainsi répondent certains patients au neurobiologiste Yves Rossetti (centre de recherche en neurosciences de Lyon, Hospices civils de Lyon), quand il leur demande de saisir un objet. Et pour cause, ces patients atteints de lésions cérébrales ayant touché leur cortex visuel, sont aveugles dans la moitié du champ visuel, précisément là où il leur propose de localiser l’objet présenté. « Pour eux, cela n’a aucun sens : comment voulez-vous lancer votre main vers quelque chose que vous ne voyez pas ? », relate le chercheur.

Et pourtant, certains parviennent à se saisir de l’objet en question, en adaptant inconsciemment la prise à son orientation. Ils présentent ce que les scientifiques anglophones appellent blindsight, ou vision aveugle, un phénomène décrit dès le début du XXe siècle : certains patients, rendus complètement aveugles à la suite de dommages du cortex visuel primaire, conservaient une sensibilité résiduelle à la lumière ou au mouvement.

La Grande Guerre en a malheureusement donné maints exemples, à la suite de blessures du cortex occipital, à l’arrière du crâne, là où se projette l’essentiel des fibres nerveuses issues de la rétine. En 1917, le Britanique George Riddoch a décrit la capacité de certains vétérans à percevoir le mouvement d’objets dans leur champ visuel aveugle. Cette perception « n’avait ni forme ni couleur. Elle donnait l’impression d’une ombre », témoignait un de ses patients.

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