François Bayrou cherche plus de 40 milliards d’euros d’économies. La Cour des comptes, le Fonds monétaire international, Bruxelles : tous réclament à l’unisson des « efforts ». Mais de quels efforts parle-t-on ? Réparer une erreur ? Expier une faute collective ?

Derrière cette injonction, c’est toujours le même récit moral de la dette publique qui transparaît. Celui d’une France qui, depuis quarante ans, aurait « vécu au-dessus de ses moyens », compromettant l’avenir de ses enfants. Dans cette fable, la dette n’est pas d’abord une contrainte économique, mais le symptôme d’une faute collective. Et l’austérité – ces « efforts » – devient la pénitence imposée pour la laver.

Ce récit plonge ses racines dans un imaginaire religieux et moral profondément ancré – en allemand, Schuld signifie à la fois « dette » et « culpabilité ». Dans la tradition chrétienne, dette et péché sont intimement liés, presque confondus. En araméen, la langue de Jésus, comme en grec, un même mot désigne les deux. La dette suprême, c’est le péché originel dans la Genèse. Cette analogie continue d’imprégner notre perception de la dette : jamais simplement une donnée comptable, mais toujours une transgression à expier. Le premier ministre la qualifie de « malédiction sans issue ».

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Ce poids symbolique explique la méfiance persistante envers la dette publique, alors même que la plupart des économistes rappellent qu’elle n’est ni dangereuse en soi ni immorale. Ce qui importe, ce n’est pas le niveau de la dette, mais son usage. Pourtant, dans notre imaginaire, l’impôt reste légitime, la dette une faute.

Dans cette fable morale, austérité et travail deviennent les instruments de la pénitence. Du côté de l’austérité, l’expérience est faite : depuis 2008, nous savons que les coupes budgétaires aggravent les récessions et alourdissent la dette rapportée au produit intérieur brut. Réduire aujourd’hui les dépenses de 40 milliards d’euros pourrait creuser encore la dette demain. L’austérité n’est donc pas une solution économique, mais un geste politique et symbolique. Elle envoie un message aux bailleurs internationaux, pour les rassurer, un autre à la population, pour lui signifier que l’Etat répare la faute et enfin pour les dirigeants, c’est l’occasion de forger leur réputation de sérieux.

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