Le gouvernement a ouvert la porte la semaine dernière à la suppression de l’abattement fiscal de 10% dont bénéficient les retraités.
Une piste vivement critiquée par de nombreuses oppositions, qui ne suscite pas l’adhésion totale au sein même de l’exécutif.
Les partenaires sociaux se divisent aussi sur ce possible levier.

La piste pourrait bien intéresser Bercy, mais elle est loin de faire l’unanimité. La ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin, n’a pas écarté le week-end dernier la possibilité de supprimer l’abattement fiscal (nouvelle fenêtre) dont bénéficient les retraités, à rebours d’autres voix au sein du gouvernement. Une possibilité rejetée par une bonne part des oppositions, et qui divise au sein des partenaires sociaux.

Les retraités bénéficient aujourd’hui d’un abattement de 10% de leurs revenus au moment de leur déclaration. Mais plusieurs voix appellent à remettre en question cet avantage, pour aider à redresser les finances publiques et trouver 40 milliards d’euros d’économies en 2026 (nouvelle fenêtre). Supprimer cet avantage entraînerait pour certains l’augmentation de leur impôt sur le revenu et ferait que d’autres, qui sont non-imposables aujourd’hui, le deviendraient. Le président du Conseil d’orientation des retraites, Gilbert Cette, avait jugé dès janvier qu’il s’agirait « d’une mesure forte, d’un rendement annuel d’environ 4 milliards d’euros ».

Les positions divergent au sein même de l’exécutif

Interrogée le week-end dernier par Le Parisien (nouvelle fenêtre) sur cette piste, Amélie de Montchalin a estimé « qu’on ne peut pas indéfiniment mettre à contribution les actifs pour financer les nouvelles dépenses sociales liées au vieillissement ». « Ce n’est pas votre âge qui doit définir votre contribution, mais aussi les moyens dont vous disposez (nouvelle fenêtre)« , a-t-elle défendu. « Rien n’est arbitré aujourd’hui, tout est ouvert », a abondé jeudi la porte-parole du gouvernement Sophie Primas, sur CNews/Europe1. 

Mais tout le monde n’est pas du même avis au sein même de l’exécutif. « Ce n’est pas en faisant des rabots systématiques, y compris sur nos retraités (nouvelle fenêtre)« , que d’importantes économies pourront être réalisées, a rétorqué le ministre de la Justice Gérald Darmanin jeudi sur Franceinfo. Quant au ministre de l’Économie Eric Lombard, il a refusé de se prononcer. Lui qui jugeait en février « raisonnable » de « rééquilibrer le niveau de vie entre les retraités et les salariés », a affirmé jeudi vouloir laisser « le débat se faire entre les partenaires sociaux », tandis que le « conclave » sur les retraites (nouvelle fenêtre) se poursuit, et entre « les partis politiques ».

Les oppositions d’ores et déjà vent debout

Du côté de ces partis justement, le sujet agite aussi les esprits, et à gauche comme à droite, de nombreuses voix appellent à ne pas revenir sur cet abattement fiscal. Le chef de file des députés LR Laurent Wauquiez a ainsi prévenu que son groupe ne voterait pas un budget qui comprendrait cette mesure. Sur BFMTV, il a répété ce dimanche être « radicalement contre » l’idée. « Les propositions qui sont en train de sortir de Bercy sont la tête à l’envers », s’est-il indigné, refusant d’« aller augmenter les impôts (demandés aux) Français »

Le vice-président du RN Sébastien Chenu a quant à lui estimé mercredi sur Franceinfo TV que la suppression de cet abattement représenterait « un nouvel impôt », en rendant imposables « 500.000 foyers fiscaux » qui ne l’étaient pas jusqu’alors, des estimations publiées par l’UNSA Retraités. « C’est le grand fantasme de ce gouvernement : mettre à contribution les retraités », les prendre « pour des vaches-à-lait », s’est-il irrité.

L’idée ne convainc pas à gauche non plus. « Les retraités sont des cibles bien commodes. (…) Est-ce que l’urgence, c’est de toucher les retraités dont l’immense majorité ne fait partie des privilégiés ? », a tancé lundi le député LFI Eric Coquerel sur BFMTV. Quant à la numéro 1 des Écologistes Marine Tondelier, invitée le lendemain sur TF1 (nouvelle fenêtre), elle a accusé le gouvernement de « ne regarde(r) jamais du côté des plus riches »

En Toute Franchise : Marine TondelierSource : Bonjour !

08:42

Elle est allée jusqu’à brandir la menace d’une censure, des propos lourds de sens sachant que l’ancien Premier ministre Michel Barnier avait été renversé par les députés, en décembre dernier (nouvelle fenêtre), notamment à cause de sa volonté de ne pas indexer les pensions de retraites sur l’inflation. 

Scission entre les organisations patronales et syndicales

Du côté des partenaires sociaux, la mesure divise aussi. D’un côté, Patrick Martin, le président du syndicat du patronat, le Medef, a jugé cet abattement fiscal « aberrant » en janvier dernier. Une position rejointe samedi par le président de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), Amir Reza-Tofighi, qui a fustigé sur France Inter « un manque de courage, pour des raisons électorales ». Au sein de l’Union européenne, la France est « le seul pays (où) les retraités ont un meilleur niveau de vie que les actifs (nouvelle fenêtre)« , a-t-il lancé. 

En face, la plupart des syndicats affichent un front uni contre cette piste. Fin mars déjà, sept d’entre eux, dont la CGT, FO et Solidaires, avaient estimé cela « conduirait à majorer fortement le taux d’imposition des personnes retraitées et à rendre imposables » des retraités qui ne l’étaient. « Il faut arrêter de présenter les retraités comme des privilégiés. (…) Pourquoi cibler toujours, en permanence, les retraités ? », a insisté sur LCI ce dimanche la secrétaire nationale de la CGT Sophie Binet (nouvelle fenêtre), appelant plutôt à « taxer le patrimoine, les plus hauts revenus », en rétablissant notamment l’impôt sur la fortune (ISF). 

Une seule organisation semble à rebours des autres : la CFDT, qui estime quant à elle que la suppression de l’abattement « se regarde ». « Je suis d’accord avec l’idée qu’il faut un partage des efforts auprès de tous ceux qui le peuvent, les actifs, mais aussi ceux déjà à la retraite », a déclaré en mars sa secrétaire générale Marylise Léon, dans une interview à La Tribune Dimanche

Le gouvernement ne devrait toutefois pas se pencher sur ce levier dès maintenant : il travaille déjà sur le budget de l’an prochain, mais celui-ci ne devrait être voté à l’Assemblée nationale qu’à compter de l’automne. 

Maëlane LOAËC avec AFP

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