A la lecture de la presse américaine, on se demande comment Sean Combs, star planétaire du rap aux noms de scène évolutifs (Puff Daddy, P. Diddy ou Diddy), a pu être adulé pendant trente ans tout en laissant sur son passage des accusations de viols, agressions sexuelles, trafics sexuels, séquestration, corruption, enlèvements, coups et violences, menaces de mort, prostitution forcée, racket. On doit en oublier.

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Sean Combs, 54 ans, nie en bloc. Mais, le 16 septembre, un juge fédéral de New York l’a placé en détention provisoire – en dépit d’une proposition de caution de 50 millions de dollars, soit 45 millions d’euros –, afin qu’il ne puisse pas faire pression sur ses accusatrices. Il est vrai que ses statuts de producteur puis de chanteur, au succès phénoménal, furent de bons carburants.

Une dizaine de plaintes sont déposées à ce jour et le chiffre pourrait vite monter, selon un avocat new-yorkais qui dit représenter pas moins de 120 autres victimes dont 25 mineures au moment des faits. A l’origine de cette cascade, il y a la chanteuse de R & B Cassie (Casandra Ventura), compagne de Combs pendant onze ans à partir de 2007. Elle est la première, en novembre 2023, à le poursuivre. Ce dernier a réussi, en une journée à peine, à trouver un accord financier avec son ex, mais la notoriété de la chanteuse et les fuites dans les médias ont eu un fort retentissement. Ce qui a déclenché d’autres poursuites et fait boule de neige.

Emprise sur sa compagne

Cassie décrit un quotidien avec Combs en forme de calvaire. Il la droguait, dit-elle, la violait, la frappait, la forçait à avoir des relations sexuelles avec des prostitués, filmait les ébats. Son témoignage prend du crédit quand on regarde la vidéo enregistrée en 2016 par une caméra de sécurité, dans un hôtel de Los Angeles, et divulguée en mai par CNN : le rappeur frappe au visage Cassie, elle s’effondre, il lui donne des coups de pied, la traîne par terre, lui jette un vase au visage.

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Ces images et l’ensemble des plaintes cernent une emprise et une méthode répétées : Combs séduisait et droguait ses proies avant de les faire participer à d’interminables orgies collectives. Derrière le triptyque « sexe, drogue et rock’n’roll », souvent présenté comme romantique, le rappeur faisait miroiter des carrières dans la musique de la même façon que Harvey Weinstein le faisait dans le cinéma. La détention provisoire du musicien montre que les temps changent, et l’avenir dira si sa chute est définitive.

Le journaliste Ben Sisario, dans le New York Times du 23 septembre, se demande à juste titre si l’affaire Combs annonce un #metoo de la musique (escamotant au passage la spécificité du rap, comme si on ne voulait pas stigmatiser cette musique). Car, en dépit de quelques cas, comme la condamnation, en 2023, de R. Kelly, star du R & B – confirmée en appel en avril –, à plus de trente ans de prison pour crimes sexuels sur enfants, trafic sexuel et racket, il n’y a pas eu de grand déballage dans l’industrie musicale. Et pourtant, rappelle cet expert, selon une enquête menée aux Etats-Unis en 2018 auprès de plus de 1 200 musiciens, 72 % des femmes interrogées affirment avoir été victimes de discrimination en raison de leur sexe, et 67 % de harcèlement sexuel.

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