L’agence de notation Fitch a décidé de maintenir la note de la France à AA−, mais la place sous perspective négative, ce qui veut dire qu’elle envisage à l’avenir de la dégrader, a-t-elle indiqué dans un communiqué envoyé vendredi 11 octobre dans la soirée.
Le ministre de l’économie, Antoine Armand, a dit « prendre acte » de la décision de Fitch, tout en ajoutant que « l’agence souligne la force de notre économie, vaste et diversifiée, l’efficacité de nos institutions et notre historique de stabilité macro-financière ».
« Les risques liés à la politique budgétaire se sont accrus depuis notre dernier examen », explique Fitch, dont la note précédente publiée sur la France remonte à avril. « Le dérapage budgétaire prévu cette année place la France dans une situation plus défavorable, et nous prévoyons désormais des déficits budgétaires plus importants, ce qui entraînera une forte augmentation de la dette publique pour atteindre 118,5 % du PIB d’ici 2028 », écrit Fitch dans son communiqué.
Le AA- de Fitch correspond à un 17/20 (c’est-à-dire un 17 sur une échelle de 20 niveaux de notation chez Fitch). La décision de l’agence survient au lendemain de la présentation d’un projet de budget 2025 qui prévoit un effort de 60 milliards d’euros pour contenir l’envolée du déficit.
Lors de sa dernière évaluation des finances françaises en avril, Fitch avait alerté sur un risque de baisse en cas d’« augmentation importante et persistante de la dette (…) par rapport au PIB résultant de déficits publics plus élevés que prévu ».
Or, la France a effectué de brutales révisions de sa prévision de déficit pour 2024, passant de 4,4 % fin 2023 à 5,1 % en avril pour finalement culminer à 6,1 % du PIB, et l’exécutif s’est résolu à s’engager sur une trajectoire plus longue pour espérer revenir sous la limite de 3 % tolérée par Bruxelles, en 2029 désormais contre 2027 auparavant. Mais l’agence Fitch n’y croit pas : elle a relevé ses prévisions de déficit public pour la France en 2025 et 2026 « à 5,4 % du PIB ».
« Nous ne nous attendons pas à ce que le gouvernement respecte ses prévisions révisées de déficit à moyen terme pour ramener le déficit en dessous de 3 % du PIB d’ici 2029 », explique-t-elle. « Une forte fragmentation politique et un gouvernement minoritaire compliquent la capacité de la France à mettre en œuvre des politiques d’assainissement budgétaire durables », indique l’agence de notation.
Un « regard » pris en compte
Pour prouver sa bonne volonté et éviter un risque de « crise financière », selon les mots du premier ministre Michel Barnier, le gouvernement a présenté jeudi son projet de loi de finances pour 2025 prévoyant 60 milliards d’euros d’efforts sous forme de réductions de dépenses et de hausses d’impôts afin de ramener le déficit public à 5 % dès 2025.
Le ministre de l’économie, Antoine Armand, avait dit plus tôt vendredi avoir pris en compte le « regard attentif » des agences dans l’élaboration du budget. « On ne fait pas une politique pour des agences de notation, mais on regarde évidemment quel est le climat international et quel regard les instituts portent sur la France », a-t-il expliqué sur France 2. « Et ce regard, il est attentif » car « face à la dette colossale que nous avons, face aux déficits qui continuent de filer, nous devons prendre des mesures ». « Le projet de budget pour 2025 que nous venons de présenter reflète la détermination du gouvernement à redresser la trajectoire de finances publiques et à maîtriser l’endettement », a-t-il aussi déclaré.
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D’ampleur « relativement inédite » selon le président du Haut Conseil des finances publiques (HCFP) Pierre Moscovici, qui en a analysé les contours macroéconomiques, cette potion mêlant hausses d’impôts et baisses de dépenses pourrait remettre la France sur des rails moins glissants après une année 2024 qu’il a qualifiée de « noire » jeudi.
Risques sur la croissance
Mais elle risque aussi, selon lui et des économistes, de peser sur la croissance l’an prochain, anticipée aujourd’hui à 1,1 % par le gouvernement, et de compliquer la réduction des déficits dans le futur.
Une dégradation de note par une agence a généralement pour effet de renchérir les taux d’emprunt de la France auprès des investisseurs dont le taux à dix ans, la référence pour les comparaisons internationales, est déjà supérieur à celui de l’Espagne et du Portugal, des pays autrefois réputés plus dépensiers.
La hausse des taux aboutit aussi au renchérissement de la charge de la dette, aujourd’hui deuxième poste budgétaire français derrière l’éducation, d’autant plus inquiétant que la France a annoncé jeudi un programme record de 300 milliards d’euros d’emprunts sur les marchés l’an prochain.
Toutefois, la question de l’attractivité de la dette française pour les investisseurs ne se pose pas aujourd’hui, le dernier emprunt de 12 milliards d’euros de la France à long terme début octobre ayant débouché sur une demande des investisseurs fortement supérieure aux besoins de la France.
Par ailleurs, la différence entre le taux d’emprunt français et l’Allemagne, pays réputé le plus sûr de la zone euro, reste à des niveaux jugés peu inquiétants par les analystes.
Après Fitch, l’agence de notation Moody’s, qui classe la France un cran au-dessus de ses consœurs, donnera son diagnostic sur l’économie française le 25 octobre, et S&P Global le 29 novembre. La France avait subi en juin une dégradation de sa note souveraine par S&P, passée du troisième cran AA au quatrième AA-. Il s’agissait de la première dégradation depuis 2013 par cette agence de notation.