Lankum à Dublin (Irlande), en février 2023.

Lankum est un croque-mitaine apparaissant sous d’autres orthographes (Lamkin ou Lambkin) dans une comptine lugubre dont l’origine proviendrait d’Ecosse ou de Northumbrie, dans le nord de l’Angleterre. Elle se rattache en effet au genre des murder ballads puisqu’elle raconte le meurtre d’un nouveau-né, puis de sa mère, par l’impitoyable personnage.

En Irlande, l’oralité de cette histoire a été fixée sur enregistrement par le chanteur itinérant John Reilly (1926-1969) sous le titre False Lankum, qui devait rebaptiser, en 2016, le groupe le plus novateur et sidérant de la scène folk actuelle : les Dublinois de Lankum.

« Il est le mal incarné, en frissonne Radie Peat, voix et multi-instrumentiste du quatuor, comme le sont ses trois camarades. Il tue le bébé à coups d’épingle, puis sa maman qui a été réveillée. Le sang est recueilli dans une bassine par une nourrice complice. » Son compère Ian Lynch ajoute toutefois que, « dans certaines versions, on précise que ce n’est pas par pure méchanceté qu’il agit : c’est un maçon qui n’a jamais été payé par le seigneur du château et il se venge ».

« Position politique »

Remarqué depuis une décennie pour ses relectures puissantes et dérangeantes de chansons séculaires, Lankum a choisi False Lankum pour nommer son quatrième album (Beggars/Rough Trade), sans pour autant interpréter l’horrible conte. Paru en mars 2023, ce disque impressionnant, salué en dehors des cercles traditionalistes, a propulsé la formation dans une autre dimension. D’abord chez elle, puisque False Lankum a pris la deuxième place du classement irlandais, juste derrière Lana Del Rey, mais devant Depeche Mode, U2 et The Weeknd.

Ce qui n’est pas un mince exploit pour une musique jouée sur des instruments anciens, très éloignée du folklore vert et joyeux exporté à la Saint-Patrick. Lankum préfère des teintes brunes, qui font remonter des odeurs de stout et de tourbe. On erre sur une lande pluvieuse, sur le quai d’un port sinistré ou dans une friche industrielle. « La mort y est omniprésente, confirme Radie Peat. Mais il y a aussi de belles chansons d’amour, comme Newcastle [incluse dans le recueil de contredanses The English Dancing Master, publié en 1651] ou Lord Abore and Mary Flynn, même si celle-ci est très tragique. » Cette fois, le monstre est la mère : elle empoisonne son fils, qui s’est marié contre sa volonté.

Le succès improbable de False Lankum a aussi permis au groupe de se lancer dans une ambitieuse tournée européenne, hélas contrariée par des problèmes familiaux. Dix dates étaient programmées en France, avec une concentration attendue dans l’Ouest. Seules deux ont survécu, avec un ajout à Nantes pour novembre.

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