
Sous l’œil satisfait de Donald Trump, l’Arménie et l’Azerbaïdjan ont signé, à la Maison Blanche, vendredi 8 août, une « déclaration commune » qui acte entre les deux anciennes républiques soviétiques la fin d’un conflit engagé depuis des décennies.
Le président azerbaïdjanais, Ilham Aliev, et le premier ministre arménien, Nikol Pachinian, ont apposé leur signature sur le document au côté de celle du président américain qui a déclaré que les deux pays du Caucase du Sud s’engageaient « à cesser définitivement tout conflit, à ouvrir les relations commerciales et diplomatiques et à respecter la souveraineté et l’intégralité territoriale » de chacune. La nature contraignante ou non de cet engagement n’est toutefois pas claire.
« Nous établissons aujourd’hui la paix dans le Caucase », a commenté le président azerbaïdjanais, saluant un jour « historique » et remerciant également Donald Trump pour sa décision, annoncée aussi vendredi, de lever les restrictions pesant depuis plusieurs années sur la coopération militaire de son pays avec les Etats-Unis. Le premier ministre arménien a, lui, parlé d’un accord qui « ouvrait la voie pour mettre fin à des décennies de conflit ».
« Vous allez avoir une très bonne relation », a lancé le président américain à ses deux invités, ajoutant : « Si ce n’est pas le cas, appelez-moi et j’arrangerai ça ».
Le dossier sensible du Haut-Karabakh peu évoqué
L’accord conclu vendredi prévoit par ailleurs la création d’une zone de transit passant par l’Arménie et reliant l’Azerbaïdjan à son enclave du Nakhitchevan plus à l’ouest. Cette zone de transit, qui répond à une revendication de longue date de Bakou, sera nommée « Voie Trump pour la paix et la prospérité internationale » (TRIPP, son acronyme en anglais). Les Etats-Unis y disposeront de droits de développement, ce qui leur permet d’avancer leurs pions dans une région très stratégique et riche en hydrocarbures.
Un haut responsable américain a assuré que l’Arménie ne sortait pas perdante des tractations, car elle gagnait un étroit partenariat avec les Etats-Unis.
La question sensible du Haut-Karabakh n’a guère été évoquée vendredi à la Maison Blanche. Cette région est reconnue internationalement comme faisant partie de l’Azerbaïdjan mais a été contrôlée pendant trois décennies par des séparatistes arméniens après une guerre qu’ils avaient remportée à la dislocation de l’Union soviétique, et qui avait provoqué l’exode de la quasi-totalité des Azéris qui l’habitait.
Bakou a repris partiellement cette enclave lors d’une nouvelle guerre à l’automne 2020, puis entièrement lors d’une offensive éclair en septembre 2023, provoquant à son tour la fuite de plus de 100 000 Arméniens du Karabakh.
Soucieux de dépasser le conflit, Bakou et Erevan s’étaient mis d’accord en mars sur le texte d’un traité de paix. Mais l’Azerbaïdjan, victorieux, exige que l’Arménie modifie sa Constitution pour renoncer officiellement à toute revendication territoriale sur le Haut-Karabakh. Nikol Pachinian s’est déclaré prêt à s’y conformer, annonçant son intention d’organiser un référendum constitutionnel en 2027. Mais le traumatisme de la perte du Haut-Karabakh continue de diviser son pays.
Le Monde Mémorable
Testez votre culture générale avec la rédaction du « Monde »
Testez votre culture générale avec la rédaction du « Monde »
Découvrir
La Turquie, alliée de l’Azerbaïdjan mais qui a récemment amorcé un dégel des relations tendues qu’elle entretient avec son voisin arménien, a salué vendredi soir l’annonce de cet accord. « Nous nous réjouissons des progrès réalisés en vue de l’établissement d’une paix durable entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie », a écrit le ministère des affaires étrangères turc dans un communiqué. En 2020, Ankara avait apporté un soutien militaire décisif à Bakou dans le haut Karabakh, permettant la victoire écrasante des troupes azerbaïdjanaises.
La France, où vivent des centaines de milliers de personnes d’origine arménienne, a pour sa part évoqué une « avancée déterminante », négociée « en vue de la normalisation des relations » entre Erevan et Bakou.
« Faiseur de paix »
Lors de cette cérémonie à la Maison Blanche, Ilham Aliev a proposé d’envoyer, avec Nikol Pachinian, une lettre pour soutenir la candidature du président américain au prix Nobel de la paix. « Qui, si ce n’est le président Trump, [le] mérite ? », a-t-il demandé. Le dirigeant arménien a lui aussi exprimé son soutien à un prix Nobel de la paix pour le président américain, dont il a salué le bilan de « faiseur de paix », en disant : « Nous allons défendre » cette candidature.
Donald Trump a plusieurs fois dit publiquement qu’il méritait cette récompense en raison de ses efforts de médiation dans plusieurs conflits internationaux. Les candidatures pour le prix Nobel de la paix 2025 sont closes depuis le 31 janvier et ne sont pas rendues publiques. Israël, le Pakistan et le Cambodge ont annoncé récemment qu’ils nommaient Donald Trump pour cette distinction.
Le président américain, dont la fascination pour les régimes autoritaires est connue, a demandé à Ilham Aliev depuis combien de temps il était au pouvoir.
– Vingt-deux ans, a répondu le président azerbaïdjanais.
– Cela veut dire qu’il est fort et intelligent, a commenté Donald Trump.
M. Aliev a été élu en février 2024 pour un cinquième mandat, avec 90 % des suffrages, et après un scrutin sans véritable opposition selon les observateurs internationaux.