Mohamed Kamarulzaman pensait avoir identifié une « niche » porteuse dans la fabrication des composants électroniques : la fourniture à la Chine de silicium polycristallin. Un composé-clé des semi-conducteurs, en particulier des cellules photovoltaïques. Importé d’un producteur aux Etats-Unis, le produit était traité en Malaisie, pour être revendu, sous sa forme pure, à la Chine par la start-up créée en Malaisie par M. Kamarulzaman, qui a dirigé le groupe public malaisien de semi-conducteurs Silterra avant sa revente à des fonds privés en 2017.

En 2020-2021, la mise en place de sanctions américaines sur les exportations de produits sensibles vers l’industrie des semi-conducteurs chinoise a mis un coup d’arrêt à cette activité. « On savait que l’on pouvait être affecté. Je n’avais aucune envie de me retrouver avec une livraison bloquée quelque part », raconte-t-il en mai, à Kuala Lumpur. Complexes et changeantes, les nouvelles annonces du gouvernement américain ont eu un effet dissuasif : « On a préféré tout arrêter, en accord avec notre partenaire chinois. »

Mais le « docteur K », comme on surnomme ce docteur en ingénierie électrique, a trouvé une autre option. « A la même époque, toutes sortes de fabricants japonais implantés en Chine ont été encouragés à quitter ce pays », explique-t-il. Le Malaisien a alors entrepris de faire confectionner dans son pays des pièces pour l’équipement qui sert à la fabrication au Japon de galettes, le support en matériau semi-conducteur sur lequel sont gravés notamment les circuits électroniques. « Elles nécessitent une précision dimensionnelle et un fini très élevés. On a donc trouvé des fournisseurs malaisiens du secteur de l’aviation et de l’aérospatiale, de façon à pouvoir répondre aux exigences des fabricants japonais. La Malaisie reste attractive pour les coûts », justifie-t-il.

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés La Malaisie profite du « derisking » des multinationales avec la Chine

La révolution informatique, puis celle d’Internet et désormais de l’intelligence artificielle ont fait des semi-conducteurs le nerf de la guerre technologique : ces composants sont, pour les plus sophistiqués, au cœur de la stratégie d’isolement de la Chine par les Etats-Unis, au moyen d’un arsenal de lois assorties de sanctions du Trésor américain.

Stratégie « Chine + 1 »

Les pays de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (Asean), qui regroupe dix Etats membres, comme la Malaisie, le Vietnam, les Philippines, l’Indonésie et la Thaïlande, ont commencé à se doter ces dernières décennies d’une industrie de sous-traitance électronique en bénéficiant des délocalisations conduites par les groupes japonais, sud-coréens et taïwanais. Ils sont ainsi bien placés pour voir se renforcer ce rôle d’alternative à la Chine. Dans les états-majors des multinationales, l’heure est à la stratégie « Chine + 1 » : « Je l’appelle la stratégie Chine + 1, 2, 3, n. Il est clair qu’elle réoriente vers l’Asie du Sud-Est des investissements et, en particulier, dans le secteur des technologies. La stratégie consiste souvent à rester en Chine pour le marché chinois, mais à aller ailleurs pour le reste du monde », explique, depuis Hanoï, Marco Förster, directeur pour l’Asean au sein du cabinet Dezan Shira & Associates, très implanté dans la région.

Il vous reste 74.5% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Partager
Exit mobile version