Philippe Laudenbach, au Salon du livre, à Paris, le 18 mars 2011.

Second rôle altier et incontournable du cinéma et du théâtre français, le comédien Philippe Laudenbach est mort le 22 avril, à Toulouse, à l’âge de 88 ans. Né le 31 janvier 1936 à Bourg-la-Reine (aujourd’hui dans les Hauts-de-Seine), il était le neveu de Pierre Fresnay. Mêmes traits fins, même visage anguleux, même sourire doux et même précision du jeu. Ce séducteur avait en lui quelque chose d’enfantin qui savait rassurer. Mais, pour peu que sa voix accélère le tempo et que sa mine se fige, le charme devenait menace et l’acteur pouvait inquiéter.

S’il n’a pas connu la notoriété de son oncle, il était de ces acteurs indispensables qui forment le bataillon trop souvent anonyme des planches et du grand écran. Sans ces soutiers de la représentation que dissimule l’éclat des stars, les distributions vacilleraient sur elles-mêmes. Philippe Laudenbach ne cherchait pas à prendre toute la lumière sur lui. C’est la raison, paradoxale, pour laquelle on le remarquait d’autant mieux.

Formé à l’Ecole nationale supérieure d’art dramatique où il était l’élève de Fernand Ledoux, le jeune interprète fait ses premiers pas sur les planches à une époque où les salles parisiennes ne connaissent pas vraiment les lignes de démarcation qui dissocient aujourd’hui secteurs privé et subventionné. Dans les petits lieux de la capitale, de La Michodière au Lucernaire, de l’Atelier à la Gaîté-Montparnasse, se jouent, dans les années 1960 et 1970, des textes exigeants étayés par des mises en scène soignées. La portée commerciale d’un spectacle ne l’emporte alors pas nécessairement sur son intérêt dramaturgique. Le public va de rive gauche en rive droite en quête de pièces inédites.

« Loin du strass et des paillettes »

Philippe Laudenbach travaille avec André Barsacq, Yves Gasc, Michel Fagadau, Pierre Franck ou Georges Vitaly. Ces créateurs, dont les noms ne parlent plus aux jeunes générations, ont contribué à faire connaître les œuvres de dramaturges pointus. Parmi ceux-ci, Luigi Pirandello dont Laudenbach interprétera plusieurs pièces : Je rêve, en 1970 ; Comme tu me veux, en 1990 ; Se trouver en 1999. En 1998, il est nommé aux Molières dans le catégorie meilleur comédien dans un second rôle pour Le Bonnet de fou (Pirandello toujours). La mise en scène est de Laurent Terzieff, un complice avec qui il arpente les univers de Slawomir Mrozek (Le Pic du bossu, 1979), Brecht (Moi, Bertolt Brecht, 2001) ou Ronald Harwood (L’Habilleur, 2009).

Terzieff est un ascète qui affirme avec force : « Le théâtre n’est pas ceci ou cela mais ceci et cela. » Laudenbach, qui aura fait sienne cette maxime jusqu’à travailler au début des années 1990 dans le saint des saints des écritures contemporaines – le Théâtre de la Colline à Paris –, a, quant à lui, une forme de mysticisme. Interrogé en 2009 sur une chaîne de télévision suisse, il expliquait : « Dans toute recherche de création artistique, il y a une forme de spiritualité parce qu’on s’élève soi-même pour essayer d’élever les autres, de les aider à quitter la pesanteur du quotidien… Le jeu est une façon de se quitter soi-même pendant un temps, d’incarner un autre, c’est ça le départ d’une vie spirituelle de l’acteur. »

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